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preuve. Un prêtre d’Alexandrie, Arius, avait depuis quelque temps commencé à soutenir que le Christ, ou le Logos, pour employer le langage théologique, a été créé par Dieu du néant comme les autres créatures et non pas de la substance divine ; qu’il a été créé volontairement et non pas par nécessité ; et qu’il a été adopté comme fils en prévision de ses mérites, sans qu’il résulte de cette adoption aucune participation à la divinité. Arius en venait ainsi à nier l’identité des trois personnes de la Trinité et la divinité du Christ. Cette hérésie n’était pas une nouveauté ; d’autres hérésies analogues l’avaient précédée. En Orient, où la culture philosophique et la passion de la dialectique étaient encore vivantes, la doctrine avait soulevé une tempête formidable. Depuis que les chrétiens n’avaient plus à craindre les persécutions des païens, la divinité du Christ était devenue l’objet d’une lutte terrible. L’évêque d’Alexandrie, Alexandre, soutenu par le vœu d’un Synode de cent évêques, avait expulsé en 321 Arius de la communauté chrétienne. Mais Arius n’était pas seul : la simplicité de sa doctrine la rendait plus accessible à la moyenne des esprits que la doctrine opposée, très obscure et profonde, de la Trinité ; les sympathies qu’il retrouvait dans le néo-platonisme païen, si répandu en Orient, les haines et les rancunes, laissées par les précédentes hérésies, les nombreuses discordes qui divisaient le monde chrétien, lui donnèrent aussitôt un parti nombreux, sinon très choisi.

Aussitôt les Synodes commencèrent à s’opposer aux Synodes ; les esprits prirent feu ; aux disputes théologiques succédèrent les bagarres, les coups, les violences dans la rue. La sécurité dont ils jouissaient après le triomphe favorisait aussi parmi les chrétiens l’explosion des mauvaises passions. Constantin, qui avait été appuyé par les chrétiens dans ses efforts pour reconstituer l’unité de l’Empire, pouvait-il voir avec indifférence cette crise religieuse qui tournait presque à la guerre civile ? L’engrenage des disputes théologiques le saisit. Ce qu’il pensait, avec son sens politique, de ces disputes, on le sait par la lettre qu’il adressa aux chrétiens dissidents. « Je m’étais proposé de ramener à une forme unique l’opinion que tous les peuples se font de la divinité, parce que je sentais bien que, si j’avais pu rétablir l’accord sur ce point, comme c’était mon désir, la gestion des affaires publiques en aurait été facilitée. Mais, oh ! bonté divine, quelle nouvelle a frappé cruellement mes oreilles, même