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Gouvernements alliés. « Ce traité, a dit M. Briand, devant la Chambre des députés, dans sa vive réplique à M. Tardieu, ce traité peut avoir toutes les vertus ; mais il a le défaut de la célèbre jument : il n’est pas vivant. » — « La première condition du rétablissement de la paix, a, de son côté, déclaré M. Lloyd George, dans son vigoureux discours de Birmingham, c’est que le traité demeure. Nous sommes entrés dans la guerre, parce qu’un traité a été violé ; maintenant que la guerre est finie, nous veillerons à ce que le traité, soit respecté. Un traité qui est bravé, c’est la guerre en suspens. » — Sur quoi, un lecteur impartial de ces deux harangues ministérielles ne peut s’empêcher de se dire : « M. Briand nous affirme que le traité n’est pas vivant. M. Lloyd George parle-t-il donc du respect qui est dû à la mémoire des morts, lorsqu’il demande qu’on respecte le traité ? Et si, au contraire, M. Lloyd George demande que le traité soit tenu pour vivant et pour bien vivant, comment M. Briand, qui proclame un accord avec M. Lloyd George, se donne-t-il l’air d’enterrer le traité ? »

Tout cela évidemment n’est pas très clair pour les profanes. Mais, au fond, il n’y a pas de contradiction irréductible entre les paroles de M. Briand et celles de M. Lloyd George. Si nous cherchons, derrière le masque des mots, la pensée des deux orateurs, nous comprenons que M. Lloyd George, entraîné par le désir de nous montrer que les concessions déjà faites à l’Allemagne n’altéraient pas l’instrument diplomatique signé par elle, a voulu mettre en relief la vitalité du traité, et que M. Briand, cédant au plaisir de dénoncer les défauts du même traité devant celui de ses négociateurs qui le défend avec le plus de persévérance, s’est un peu imprudemment laissé aller à en prononcer l’oraison funèbre. Le mot malheureux qui lui est échappé risquerait d’être exploité contre nous en Allemagne, si M. Briand n’était assez habile pour expliquer, après coup, qu’en reprochant au traité de n’être pas vivant, il a simplement voulu lui donner la vie.

Quoi qu’il en soit, la Conférence de Paris, comme toutes celles qui l’ont précédée depuis la paix, a encore allégé plusieurs des obligations que le pacte de Versailles avait imposées à l’Allemagne. Le chancelier de l’Échiquier, M. Chamberlain, en a fait, l’autre jour, l’observation, en réponse aux protestations du docteur von Simons et de la presse germanique ; et on comprend mal que certains journaux français, dans leur empressement à louer les succès de notre Gouvernement, aient fourni des aliments à l’animosité de j l’Allemagne en laissant ignorer au Reich les importantes concessions que nous lui