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(5 mars 1571). Bien que protestante, elle s’adresse au Pape qui n’en peut rien faire. Elle reçoit interdiction de porter le titre de duchesse de Nemours, ce qui blessait sa rivale triomphante. Enfin, — car tout a une fin, — son fils, l’objet du litige, qui combattait dans les rangs des huguenots, ayant eu le loisir de prendre de la barbe au menton pendant cette procédure, est fait prisonnier et, pour le délivrer, elle consent, non pas à renoncer au mariage, mais à divorcer, ce que lui permet sa religion. Son désistement lui est payé royalement par les Guise : le petit Rohan est délivré, et touche une rente de 20 000 livres ; Françoise, pour sa part, reçoit la ville de Loudun avec le titre de duchesse et un capital de 50 000 livres en rentes de l’hôtel de ville de Paris. Son obstination était récompensée : le procès avait duré plus de vingt ans, amusé, excité et divisé les partis qui se renvoient volontiers le cœur et la chair des amants assez fous pour ester en justice.

Si l’on veut savoir la fin de Françoise, elle fut assez sombre. Son fils pour qui elle avait tant lutté lui occasionna de grandes tribulations. Ayant battu un orfèvre de Paris, il fut mis en prison. On le retrouve combattant avec le roi de Navarre. La duchesse de Loudun, sa mère, vivant paisiblement dans son château de la Garnache, et gardant la neutralité, il l’en chassa et l’obligea à se retirer à Nantes où, comme pour donner raison à M. de Nemours, elle se laissa séduire sur le tard, à 52 ans, par un capitaine breton avec qui elle ne manqua pas d’échanger une promesse écrite de mariage. On ne sait si la promesse fut tenue.

Mme de Clèves, dans le roman de Mme de La Fayette, eût-elle consenti à disputer à cette rivale opiniâtre, qui montrait son poupon à tous les robins, le tendre et volontaire amoureux, qui lui avait sacrifié, du moins dans le silence, toutes ses bonnes fortunes ? Mais peut-on appeler bonne fortune une aventure aussi lamentable et qui vous met un homme en si fâcheuse posture ?


VIII. — LA FIN DE DON JUAN

Que M. de Nemours ait aimé par-dessus toutes femmes, et au point de se montrer félon et déloyal envers Françoise de Rohan, Anne d’Este, on n’en saurait guère douter. Fut-elle sa maîtresse du temps qu’elle était la femme de François de