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d’autres ont pu lui pardonner, mais dont se froissait la susceptibilité nerveuse de Michelet. De là son peu d’empressement à donner des travaux, qu’il n’offrait qu’au dernier moment au directeur de la Revue. « Je vous dis, moi, que Buloz ne m’aime pas, » répétait Michelet à son ancien élève d’histoire…

Henri Blaze connut Stendhal, que l’amour de ce dernier pour la musique attirait chez Castil-Blaze. Il assure d’ailleurs, que l’auteur de la Chartreuse, à cette époque, n’était guère écouté, et que, dans les conversations, « Bequet ou Janin le faisait volontiers taire. » Il connut encore Louis Bertrand, l’auteur de Gaspard de la Nuit, et affirma que lorsque ce manuscrit fut publié, on n’en « plaça » que vingt exemplaires ; ce qui fit dire à Victor Pavie que ce poème de Bertrand n’était « pas né pour la lumière. »


LA BELLE ROSE

Henri Blaze de Bury rencontra en Allemagne, au cours d’une de ses visites à Weimar peut-être, une jeune Écossaise, Miss Rose Stuart, amie et parente des Lords Brougham et Dunbar. Il s’en éprit, et l’épousa en 1844.

Cette figure de Mme Blaze de Bury, comment en donner une idée ? Décrire sa beauté, son esprit mordant, passe encore ; mais sa personnalité, ses goûts, ses tendances, son activité, son ambition prodigieuse ? Avec ses traits purs, ses beaux cheveux noirs, son corps charmant, elle aurait pu n’être qu’une jolie femme, fêtée du monde agréable où elle vivait ; mais c’est bien autre chose que Mme Blaze de Bury ! C’est un esprit débordant d’activité, d’ambition, élaborant les plans les plus vastes, et passionnément orientée vers la politique. C’est là que cette femme surprenante trouvera un champ digne de son activité, assez fertile pour satisfaire son goût d’entreprise. Au demeurant, elle possède une volonté et une santé de fer, une grande intelligence, une indépendance toute britannique, de l’esprit de suite, peu de sensiblerie lorsque son ambition est en jeu. Toutes ces qualités excellentes se rencontrent rarement réunies chez une femme. Il semble bien que dans le couple Blaze de Bury, la belle Rose fut le « dirigeant. » C’est elle qui insuffle à son époux l’ambition, et lui impose, pour ses propres entreprises, une admiration si fervente, qu’il lui écrit en Autriche, lorsque parfois elle