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Lichnowsky, vous n’avez pas pris garde tout à l’heure que vous vous trahissiez, en me parlant de Beethoven comme d’un client de votre famille. » D’après Henri Blaze, le prince Lichnowsky fut un type étrange, « barbare chevaleresque et pervers, » qui possédait, avec des mœurs rudes, la plume d’un Benvenuto et le crayon d’un Salvator. Assez lâche avec ses maîtresses qu’il battait, jaloux au point de couper méchamment les magnifiques cheveux de l’une d’elles, Mme Pleyel, et courant bravement sus aux émeutiers en 1848 à Francfort, une simple cravache à la main[1].

Le comte Alexis de Saint-Priest écrivit peu, en somme, dans la Revue. Sans doute, ses voyages lui laissaient-ils des loisirs insuffisants. En avril 1844, il commença pourtant une série d’Etudes diplomatiques sur le XVIIIe siècle, par un travail sur la Suppression de la Société des Jésuites en Portugal. Il y eut, à propos de ce travail sur les Jésuites, et de la préface, certaines discussions ; le ton de ces discussions fut aigre-doux. « Pourquoi cela ? écrivit Saint-Priest à son ami. Il me semble qu’elle n’aurait dû choquer personne (la préface) ; quant à certaine assemblée des quarante, j’en serai ou n’en serai pas, mais je ne ferai certainement aucune bassesse pour y entrer, j’y suis bien décidé[2]. »

L’année 1844, précisément celle où il écrivait son étude sur la Société des Jésuites en Portugal, Saint-Priest fut charmé du livre que la comtesse Merlin venait de terminer sur la Havane. Il chargea Henri Blaze de transmettre ses compliments à la dame, et il n’est « pas complimenteur. » Deux lettres surtout le frappèrent : l’une sur Ferdinand Cortez, l’autre sur Las Casas. Celle-ci est un morceau d’histoire très remarquable, « le plus remarquable que j’aie jamais vu sortir de la main d’une femme, » écrit-il ; « si elle l’étendait, elle ferait un ouvrage complet, unique dans son genre ; tel qu’il est, c’est excellent. Pour lui prouver que je l’ai lu bien attentivement, je la prierai, dans une seconde édition, de nous expliquer dans une note, que le cardinal Cirneros est le même que le fameux cardinal Ximenès, car nous ne le connaissons que sous ce nom… Que la belle historien me pardonne mon pédantisme[3]. »

  1. H. Blaze de Bury, Mes Souvenirs de la Revue des Deux Mondes, déjà cités.
  2. 29 juin 1846. Inédite. Saint-Priest fut nommé de l’Académie le 18 janvier 1849, en remplacement de M. Vatout.
  3. 18 juillet 1844. Inédite.