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Henri Blaze de Bury et sa femme, séparés, s’écrivaient chaque jour. Le plus souvent Blaze de Bury est à Paris, et c’est là belle Rose qui voyage ; ses lettres sont datées de Vienne, de Londres, d’Ecosse, — elle tient son mari au courant de ses démarches, — car ses absences, à partir de 1858-59 environ, ont un but politique. Elle conçoit un projet très vaste, il faut en convenir : celui du relèvement économique de l’Autriche ; comme on le voit, la baronne Blaze de Bury concevait grandement les choses. À ce projet elle travailla énergiquement avec un groupe de diplomates et de financiers ; il devait aboutir d’abord à une entente commerciale entre l’Angleterre et l’Autriche ; la baronne eût voulu y intéresser la France, mais celle-ci, acquise aux projets de Cavour, lui échappa. Cependant une banque anglo-autrichienne fut fondée en effet, grâce à l’activité et à la volonté de cette femme étonnante, qui se servit, pour arriver à ses fins, de ses relations fort étendues en Autriche d’une part, et d’autre part, de sa nationalité et parenté anglaises.

La banque de Mme Blaze de Bury, composée d’éléments catholiques, devait faire face aux éléments israélites trop puissants, à son gré, en Autriche, et surtout à Vienne. Elle apporta à l’Autriche des souscriptions anglaises, vit l’empereur François-Joseph, lui dénonça le péril menaçant, disait-elle, tenta de le pousser vers une Autriche libérale… Sur ce terrain-ci, on le sait, elle ne fut pas suivie. François-Joseph ne s’intéressa pas au libéralisme de Mme Blaze de Bury ; pourtant un emprunt fut souscrit, des émissions faites pour la construction de nouvelles lignes de chemin de fer, puis l’Empereur se désintéressa de la question, puis vint Sadowa ; Mme Blaze de Bury, que ces intrigues passionnaient, portait, ainsi que ses alliés, une bague sur laquelle étaient gravés trois A, ce qui signifiait : Alliance Anglaise-Autrichienne.

Pendant ce temps, Blaze de Bury est au logis. Il travaille pour la Revue, et envoie à la voyageuse les nouvelles de Paris, les derniers « potins » des Tuileries, etc. les lettres s’échangent quotidiennes.

Dans une lettre de 1862, Blaze signale l’apparition des Misérables :

« … À propos de littérature, on a mis hier en vente