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sa guise, sans intermédiaire entre soi et l’Esprit-Saint, il fut jugé prudent, pour parer au danger de l’interprétation individuelle, de ne point familiariser les catholiques avec l’Ancien et le Nouveau Testament, rarement traduits en langue vulgaire. La lecture de la Bible, sans permission, passa même pour interdite parmi eux.

Or il est arrivé que les temps ont marché et que les idées ont évolué : par exemple, nul hérésiarque n’a de nos jours grande chance de faire ses frais ; un Luther surgirait demain qu’il n’entraînerait pas cinq cents personnes. Vieillis et vus d’un certain angle, les spécialistes qui ont la prétention de tondre les mystères de trop près, paraissent un peu bouffons d’expliquer ce qu’ils définissent eux-mêmes inexplicable. Pour nos contemporains, la foi est devenue un bloc, qu’ils admettent ou rejettent sans discussion ; ils croient tout ou rien et, d’après la statistique des consciences que nous avons tentée ci-dessus, il semble bien qu’une bonne moitié des Français mâles soient dans le dernier cas. Ils ne croient pas et, tout au contraire des masses du XVIIe siècle, ils ne veulent pas croire. Le christianisme leur est suspect et, d’ailleurs, ils ne le connaissent pas.

L’Eglise catholique française se contentera-t-elle de la minorité des fidèles, plus ou moins pratiquants, qui composent sa clientèle actuelle, où le sexe faible tient la plus grande place ? Se résoudra-t-elle à négliger et à ignorer les millions d’hommes qui, présentement, n’ont point souci d’elle ? Qui pourrait le croire ?

Comment s’y prendra-t-elle pour pénétrer ces foules fermées en apparence au spiritualisme et que toute théologie fait sourire ? Par quel levain nouveau fera-t-elle fermenter cette pâte humaine ? C’est son affaire ; il serait malséant à un laïque de souffler le prédicateur. Nous nous bornerons à une simple remarque : en Angleterre ou aux États-Unis il n’y a peut-être pas plus de foi positive qu’en France ; seulement, en ces deux pays le Christ est un personnage universellement « sympathique. » Il est sympathique parce qu’il est connu et il est connu parce que les habitants sont imbibés de l’Évangile, dont le texte leur est familier.

C’est beaucoup ; c’est, j’imagine, le meilleur point de départ pour la propagande religieuse de nos jours. Celui qui aura fait connaissance avec la personne humaine de Jésus, en