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je crois, avait été attaché à la maison de Lord Amherst et était resté à Plantation House, après le départ du Lord pour l’Europe. De tous ceux qui avaient formé la colonie de Longwood, il ne restait plus auprès de l’Empereur que le Grand-Maréchal et sa famille, le général Montholon et cinq serviteurs.

Depuis le départ de Mme de Montholon et de ses enfants, Longwood était devenu plus désert ; il fallait s’armer de courage pour se distraire de cette augmentation de monotonie. Qu’on se figure un petit nombre de personnes constamment en face les unes des autres pour un temps illimité, et séparées du reste des humains, l’on aura une juste idée de leur existence. Si la vie paraissait triste à ceux qui étaient auprès de l’Empereur, que ne devait-elle pas être, pour lui, Napoléon ? Le mouvement, l’activité était nécessaire à la colonie de Longwood. L’Empereur donna lui-même l’exemple en opposant le travail actif à l’oisiveté ; l’un était le remède à tous les maux, tandis que l’autre en était la source, en laissant trop de temps aux réflexions auxquelles on est naturellement porté, quand aucune distraction ne vient rompre l’uniformité de tous les jours.

L’Empereur se remit à ses Mémoires qu’il avait négligés depuis longtemps ; il y fit des corrections, des additions, des changements. Les campagnes d’Italie et d’Egypte étaient à peu près terminées, le Consulat provisoire l’était aussi. Différentes autres parties eurent une première dictée. Ce qui arrêtait l’Empereur, dans son travail, c’est qu’il n’avait pas encore la partie des Moniteurs qui lui était nécessaire. En attendant qu’elle lui fût envoyée, il s’occupa des précis des campagnes de César, de Turenne et du grand Frédéric. S’il avait eu tous les livres qu’il désirait et que sa santé l’eût permis, il se promettait de faire les précis des campagnes des grands capitaines, tant les anciens que les modernes.

Quand les trois précis qu’il avait entrepris furent terminés, il conçut un projet sur les fortifications de campagne. Les modèles qu’il avait dessein d’employer dans ce nouvel ouvrage, furent construits sur le terrain, et lorsqu’il en eut fait l’épreuve, il en fit mettre les profils au net et dicta ensuite sur la manière et le temps de les employer. Cette besogne lui plaisait. Elle lui rappelait ses premières années dans l’état militaire. Dans le même temps à peu près, il fit un projet sur la composition d’une armée et sur les États-majors. Le temps lui manqua pour rendre parfaits ces différents ouvrages.