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le corps de bâtiment qu’il habitait en fut entouré. Ce furent les modèles de fortifications qui lui donnèrent cette idée, et puis il voulait avoir sous la main des fruits, des légumes ; il voulait avoir quelques allées ombragées ; il voulait éloigner les sentinelles de ses fenêtres, etc.

Du côté du camp (le Nord), la maison de Longwood avait un corps de bâtiment avancé et deux ailes en arrière. Devant ces deux ailes et jusqu’à l’alignement de la façade du corps avancé existaient deux carrés de verdure. Les fenêtres du cabinet, de la chambre à coucher d’une part, celle du salon et du parloir de l’autre, donnaient sur le carré de l’Ouest ; la portée vitrée de la salle à manger, les fenêtres de la bibliothèque et deux du parloir, sur celui de l’Est. Ces carrés avaient chacun trente pieds sur quarante à peu près. Le grand côté était la longueur du salon et du parloir.

Au centre du premier carré, celui de l’Ouest, on traça un losange ; une petite allée de deux pieds le bordait, et une autre, de trois pieds, entourait les triangles, en ménageant une plate-bande en dehors. Les plates-bandes furent garnies d’une très grande quantité de rosiers ; des fraisiers étaient sur le devant, et du gazon pour bordure. L’intérieur du losange fut gazonné et au point de centre, l’Empereur fit planter un petit caféier dont on lui avait fait cadeau. Il appela ce petit jardin son parterre.

L’autre jardin, tracé au centre du carré de l’Est, devint si touffu que, dans le temps des feuilles, le soleil n’y pénétrait que difficilement. L’Empereur le nomma son bosquet ou le jardin d’Ali. L’autre jardin, le parterre, était le jardin de Marchand.

Quand toutes les plantations furent terminées, l’Empereur, pour clore ses deux petits jardins, fit faire des barrières au pied desquelles on mit une plante grimpante, nommée la fleur » de la passion ; en moins de trois mois, les barrières devinrent des haies très épaisses. Cette plante, dans l’île, a une végétation extraordinaire : elle pousse des jets d’un demi-pied par vingt-quatre heures. La feuille est d’un vert foncé, et la tige garnie de tire-bouchons ; la fleur, qui est composée de différentes couleurs, est large et ressemble à peu près à une plaque de grande décoration.

Trois ou quatre mois s’étant écoulés, sans que l’Empereur donnât suite au projet qu’il avait d’abord conçu, on crut qu’il voulait se borner à ses deux petits jardins ; mais il n’en fut point