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UNE
VSITE AU CANAL DE PANAMA

C’est au cours d’un récent voyage dans la mer des Caraïbes qu’il m’a été donné de visiter le canal de Panama, dont l’ouverture a passé bien inaperçue, car au moment où le premier navire, allant d’un Océan à l’autre, le franchissait, la guerre mondiale venait d’éclater. L’humanité avait ses pensées ailleurs, l’heure des fêtes et des cérémonies officielles faisait place aux jours de douleur et de deuil dans lesquels la terre allait vivre pendant d’angoissantes années.

Lorsque le bateau venant des Antilles poursuit sa route vers le canal, soit pour le traverser, soit simplement pour faire escale à Colon, il franchit par une passe un grand brise-lames, formé d’enrochements jetés à pierres perdues. Cet ouvrage, long de plus de 11 000 pieds, mesurant à sa base environ 150 pieds, protège les quais de la ville des grandes vagues du large. A la grosse mer, à la houle presque toujours très forte dans ces parages, succède un calme délicieux même pour ceux qui sont de bons marins. Le pont ne fuit plus sous les pas, le secours des rampes ou des bastingages devient inutile ; le bateau glisse sans heurt sur l’eau apaisée, et de l’avant le voyageur aperçoit une succession de collines, et à l’arrière-plan de montagnes boisées extrêmement vertes, noyées dans la brume bleutée sous un ciel laiteux, assez terne, car la quantité de vapeur d’eau en suspension dans l’air est considérable. Le ciel, parfaitement pur, d’un bleu éclatant, ne se voit guère dans cas régions qu’après les orages ou au début des nuits.

A gauche, les maisons de Colon forment une longue ligne