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rendus par eux à l’Empire, le rôle qu’ils ont joué, pendant les hostilités, dans le Cabinet impérial de guerre et, depuis l’armistice, dans les négociations de la paix, tout leur a donné des prétentions qu’il serait impossible d’écarter et même des droits qu’il serait injuste de nier.

Il y avait bien autrefois, en de rares occasions, des conférences impériales. On voyait arriver à Londres, en modeste équipage, les représentants des Dominions ; ils étaient accueillis comme des parents de province ; on leur faisait fête, on leur offrait des réceptions et des banquets, mais on les trouvait un peu importuns et on ne les invitait guère à prolonger leur séjour. Ils se réunissaient, ils émettaient quelques vœux, que le Gouvernement britannique recevait avec une apparente déférence et qu’il s’empressait, en général, d’oublier. C’était tout, ou presque. Mais la guerre est venue, et lorsqu’elle a éclaté, menaçant le Royaume-Uni autant que la Belgique et la France, il n’y avait, pour sauver l’Angleterre, que la petite armée du maréchal French. Que serait devenue la Grande-Bretagne, si, à ce moment, dans un élan magnifique, les Dominions et l’Inde n’étaient accourus à ses côtés ? L’exemple de loyalisme et de fidélité qu’ils ont donné est un des plus beaux qu’ait jamais enregistrés l’histoire. Avec une extraordinaire rapidité, ils ont recruté et formé des contingents qu’ils ont envoyés en Europe et qui se sont admirablement comportés sur les champs de bataille de France. Il m’a été donné bien souvent de les visiter. Quels merveilleux soldats étaient ces Australiens, ces Néo-Zélandais et ces Canadiens ! Et comme ces derniers, Anglais ou Français, étaient fiers de servir sur notre sol ! Je me rappelle encore de quel ton ils invoquaient auprès de moi leur nom de Canadiens, comme un titre spécial à l’amitié française. Au retour de la mission que, ces semaines dernières, le maréchal Fayolle a si heureusement conduite au Canada, MM. Fortunat Strowski et Jaray remarquaient tous deux que nous commettrions une grande faute, si nous paraissions opposer l’une à l’autre les deux parties du Canada. Si, disaient-ils, les Canadiens de Québec et de Montréal sont de sang français, les Canadiens de Toronto et de Hamilton se sont battus pour la Fiance. J’ajouterai que les uns et les autres ont témoigné à nos populations éprouvées d’aussi actives sympathies et c’est de Toronto que j’ai reçu personnellement, pendant la guerre, les plus larges libéralités en faveur de nos régions dévastées. Certes, nous ne saurions nous défendre d’une prédilection secrète pour une contrée que nos ancêtres ont peuplée de souvenirs français ; et, comme Mgr Landrieux l’écrivait, ces jours-ci, en revenant, lui aussi, du