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beauté. Le Saint-Laurent apparaît moins comme un fleuve que comme un lac allongé entre des terres fertiles. Des deux côtés, des paysages de France, des villages aux jolis noms français, avec de minces clochers tout pareils aux nôtres. C’est sur les bords du Saint-Laurent que se sont établis les premiers colons ; ils se sont partagé le terrain perpendiculairement aux rives, et nous voyons, encore resserrées par les héritages, ces limites de champs toutes parallèles entre elles.

La soirée se passe à faire revivre le passé, à retracer l’œuvre de Jacques Cartier et de Champlain, à raconter les exploits de Montcalm et de Lévis. C’est ici que s’est déroulée l’épopée canadienne ; elle appartient à l’histoire de France et à celle du Canada ; elle est notre bien commun et le lien qui nous unit. Regardez cette statue qui s’élève, à droite, sur la rive. C’est celle de Mlle de Verchère, qui défendit sa ferme contre les Iroquois, à quatorze ans, seule avec ses deux frères, moins âgés qu’elle. Voici l’embouchure de la rivière Richelieu, qui vient du lac Champlain, sur les bords duquel les Français remportèrent contre les Anglais la victoire de Carillon. Quand nous arriverons à Québec, on nous montrera, à gauche, au-dessus de la falaise, la plaine d’Abraham, où, le 13 septembre 1759, se livra la bataille qui amena la chute de Québec et dans laquelle périrent ensemble le général anglais Wolfe et notre grand Montcalm.

Le lendemain, toute la matinée, jusqu’à une heure, se passe en visites. Visite à la vieille citadelle où le lieutenant-gouverneur nous dit : « La voici, telle que vous nous l’avez laissée. » On y voit encore, en effet, les vieux canons rongés par la rouille qui défendirent la ville. — Visite du Parlement provincial. La salle des députés est d’un côté, celle des sénateurs de l’autre ; elles sont l’une et l’autre très belles. — Visite au couvent des Ursulines. Rien que leur ordre soit cloîtré, les Sœurs ont voulu ouvrir à la Mission française leurs portes fermées au monde. Faveur insigne qui n’est accordée qu’à des personnages royaux ou à des légats du Pape ; mais ne s’agit-il pas aujourd’hui de la France ? Les Sœurs sont là, à l’entrée, en ordre de bataille, les très vieilles en tête, les jeunes à la gauche ; la supérieure nous reçoit avec l’aisance d’une grande dame qui fait les honneurs de sa maison. Nous la parcourons à sa suite, vieille demeure vaste, simple, sans luxe aucun ; seule la chapelle est richement décorée. Non loin d’elle,