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les Sœurs conservent comme une relique sainte, dans une châsse dorée, le crâne verni de Montcalm !

Après le couvent, réception à l’Hôtel de ville. « Son Honneur » le maire est revêtu d’une longue robe noire, qui rappelle celle de nos avocats ; il porte un tricorne. Quand il a fini la lecture de son adresse, une fillette s’avance et offre au maréchal une gerbe de roses : « Embrassez-la, dit le maire, c’est le dernier de mes enfants, le dix-septième. »

Il faut ici s’arrêter un instant sur l’extraordinaire fécondité des familles canadiennes. Les familles de quinze à vingt enfants ne sont pas exceptionnelles ; celles d’une douzaine se rencontrent partout ; la moyenne est d’au moins six enfants par foyer. Le maire nous racontera tout à l’heure que les familles avec lesquelles il est le plus lié ont toutes de quinze à dix-huit enfants. Dernièrement, il assistait à une fête de famille où vingt-six enfants célébraient les noces d’or de leurs parents ; ceux-ci n’en avaient perdu aucun. Ils sont nombreux, les villages où cent familles portent le même nom ! Le général Tremblay qui nous accompagnait sur le bateau appartient à l’une d’elles.

Comment expliquer cela ?

Il y a bien des raisons : l’espace disponible, la vie large et facile à la campagne, les enfants qui ne sont pas une charge, mais un rapport, la liberté de tester laissée au père de famille, ce qui sauve le domaine, etc. Toutefois la raison principale se trouve dans le respect des lois morales. Les Canadiens français obéissent à l’ordre « Croissez et multipliez ; » ils observent le Décalogue. Le lieutenant-gouverneur ne nous a-t-il pas dit lui-même publiquement, ce matin : « C’est votre clergé qui a fait ce peuple. »

Il est à remarquer qu’il n’en est pas de même des Anglais. Eux aussi ont l’espace et la liberté, et cependant, la natalité est dans leurs familles beaucoup moindre. La conséquence est que les Français refoulent les Anglais ; ils débordent de la province de Québec dans l’Ontario, le Manitoba et aussi dans les provinces du Nord-Est des États-Unis. Ils étaient 65 000, lorsque, il y a cent soixante ans, la France les a abandonnés à l’Angleterre ; ils sont aujourd’hui plus de 4 millions. Combien seront-ils dans cent ans ? Plusieurs d’entre nous s’amusent à faire des calculs et trouvent des chiffres fantastiques dont le quart