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SUR L’ESPACE ET LE TEMPS SELON EINSTEIN.

Les choses en étaient là, — fort avancées, au point de vue de l’expression mathématique des phénomènes, mais fort embrouillées, décevantes, contradictoires et choquantes même, au point de vue physique — lorsque « enfin Malherbe vint »… je veux dire Einstein.

Première audace intelligente : Einstein, sans mettre l’éther au rang de ces fluides périmés qui comme le phlogistique ou les esprits animaux obstruaient les avenues de la science avant Lavoisier ; sans, dis-je, dénier à l’éther toute réalité, — car enfin quelque chose sert de support aux rayons qui nous viennent du soleil, — Einstein a remarqué d’abord que, dans tout ce qui précède, on parle sans cesse de vitesse par rapport à l’éther. On ne peut aucunement mettre en évidence de telles vitesses, et il serait peut-être plus simple de ne plus faire intervenir dans tous les raisonnements cette chose, réelle ou non, mais inaccessible et qui, dans la montée cahotante des physiciens à travers les ornières de toutes ces difficultés, joue seulement le rôle inefficace et gênant de la cinquième roue du carrosse électromagnétique. Premier point donc : Einstein provisoirement commence par laisser l’éther à l’écart de ses raisonnements ; il ne nie, ni n’affirme sa réalité ; il l’ignore d’abord. C’est ce que nous allons maintenant faire à son exemple. Nous ne parlerons plus, dans notre démonstration, du milieu dans lequel se propage la lumière. Nous ne considérerons celle-ci que par rapport aux êtres ou objets matériels qui l’envoient ou la reçoivent. Du coup notre marche va se trouver singulièrement allégée. Pour l’éther des physiciens, nous le reléguerons un moment au magasin des accessoires inutiles, à côté de l’éther suave, amorphe et vague… mais si précieux prosodiquement, des poètes.

Que montre en somme l’expérience de Michelson ? Qu’un rayon lumineux se propage à la surface de la terre exactement avec la même vitesse de l’Ouest à l’Est que de l’Est à l’Ouest. Imaginons au milieu d’une plaine deux canons identiques tirant, au même instant, par temps calme et sans vent, à la même vitesse initiale, deux projectiles semblables, l’un vers l’Ouest, l’autre vers l’Est. Il est clair que les deux projectiles mettront le même temps pour franchir des espaces égaux l’un vers l’Ouest,