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sur Métastase ? » — Nous pouvons répondre qu’elle n’est point de Carpani, en effet, puisqu’elle est volée tout entière à Baretti. Relisons, dans le texte de Stendhal, cette excellente digression littéraire ; et faisons la comparaison avec le passage que nous venons de citer :

Le Dante reçut de la nature une manière de penser profonde, Pétrarque un penser agréable ; Boiardo et l’Arioste une tête à imagination ; le Tasse, un penser plein de noblesse ; mais aucun d’eux n’eut une pensée aussi claire et aussi précise que Métastase ; aucun d’eux n’est encore parvenu en son genre au point de perfection que Métastase atteignit dans le sien.

Le Dante, Pétrarque, l’Arioste, le Tasse, ont laissé quelque petite possibilité à ceux qui sont venus après eux d’imiter quelquefois leur manière. Il est arrivé à un petit nombre d’hommes d’un rare talent d’écrire quelques vers que ces grands hommes n’auraient peut-être pas désavoués.

Plusieurs sonnets du cardinal Bembo se rapprochent de ceux de Pétrarque ; Monti, dans sa Basvigliana, a quelques terzine dignes de Dante ; Boiardo a trouvé, dans Agostini, un heureux imitateur de son style si ce n’est une imagination digne d’être comparée à la sienne. Je pourrais vous citer quelques octaves qui, par la richesse et le bonheur des rimes, rappellent d’abord l’Arioste. J’en connais un plus grand nombre dont l’harmonie et la majesté auraient peut-être trompé le Tasse lui-même ; tandis que, malgré des milliers d’essais tentés depuis près d’un siècle pour produire une seule aria dans le genre de Métastase, l’Italie n’a pas encore eu deux vers qui pussent lui faire l’illusion d’un moment.

Métastase est le seul de ces poètes qui, littéralement, soit resté jusqu’ici inimitable.

Cette excellente digression littéraire, ce morceau où l’on reconnaît si bien l’accent du maître que de bons connaisseurs se sont portés garants de son authenticité, est donc le résultat d’un plagiat flagrant. Stendhal a pris les faits et les idées, Stendhal a calqué la forme, Stendhal n’a nommé, ni de près ni de loin, le légitime propriétaire, Baretti. Les œuvres du critique italien avaient été rééditées à Milan, de 1813 à 1818 : est-ce à cette occasion qu’Henri Beyle, Milanais, les lut et les distingua ? Le fait est que le développement sur Métastase lui parut d’une si bonne venue, qu’il en prit toutes les idées, tous les sentiments, tous les effets. Baretti fait observer que la clarté, la précision, qui caractérisent les pièces de Métastase, permettent d’en retenir