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formés en corps distincts, conservant leur caractère national. Or il arriva quo, tandis que l’Ulster avait satisfaction dès le début sur ces deux points, l’Irlande nationale n’obtint jamais du War Office l’exécution de la promesse de M. Asquith. Elle tient à ses volontaires nationaux, en qui elle voit comme le symbole de sa nationalité ; elle est profondément blessée de ce que le War Office refuse d’en prendre charge, refus d’autant plus inexplicable que, si la grosso masse des volontaires devait s’enrôler dans les corps combattants, il allait rester la petite minorité des volontaires extrémistes, et que laisser hors de contrôle un tel noyau, oisif et armé, c’était préparer, solliciter un mouvement révolutionnaire. D’autre part, le War Office semble s’ingénier, par un mélange inconcevable de maladresse et de froide hostilité, à décourager le recrutement. La propagande pour les enrôlements est confiée, dans l’Irlande catholique et nationaliste, a, des protestants unionistes. Aux troupes catholiques, on donna des officiers protestants. On refuse à l’Université nationale de Dublin la formation des officiers, telle qu’elle fonctionne à Trinity College et à l’Université de Belfast. On refuse aux troupes irlandaises leurs badges distinctifs, on leur refuse le drapeau vert traditionnel, on leur refuse l’autorisation d’accepter les fanions brodés pour elles par les dames d’Irlande. On refuse de. créer un corps d’armée irlandais. Bref, l’Irlandais doit se battre. anonymement, sous les couleurs britanniques. Toute la contribution d’Erin à la guerre passera à l’actif de la Grande-Bretagne ; ses hauts faits militaires, tels les exploits des Dublins et des Munsters aux Dardanelles, seront passés sous silence. En appelant les Irlandais à la guerre, on fait ainsi tout pour les rebuter. « A l’époque décisive du recrutement, a dit un jour aux Communes M. Lloyd George lui-même, on a perpétré en Irlande une série de stupidités (sic), touchant de près à la malignité, et qui sont à peine croyables. Rien n’est difficile comme de recouvrer l’occasion perdue quand une fois les susceptibilités nationales ont été offensées et, l’enthousiasme initial tué. »

Contre un pareil mauvais vouloir, Redmond, qui a les responsabilités du leader sans les pouvoirs effectifs d’un chef de gouvernement, est impuissant et désarmé. A Londres, on écoute, les Orangistes, on ménage et on soigne l’Ulster : Redmond et l’Irlande ne comptent pas. Et lorsqu’on mai 1915 se constitue le ministère de coalition, on appelle au gouvernement sir