Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parti est, il faut le dire, un peu hors de contact avec ce qu’il y a dans le pays de jeune et d’ardent, son influence sur les nouvelles générations est en baisse. Et puis, comme en Angleterre, il y a alors en Irlande un mouvement d’agacement, d’hostilité contre les organisations de parti, les politiciens de métier, les « machines » politiques, le patronage et la corruption qui en découlent. En août 1914, l’Irlande a répondu généreusement aux généreuses paroles de son leader : mais quand elle voit ce qu’il advient de sa bonne volonté et de ses droits, elle s’en prend aux chefs constitutionalistes en même temps qu’au gouvernement anglais, sa désillusion se tourne contre Redmond et les parlementaires. Le clergé catholique, jusqu’alors le plus ferme soutien du parti, commence à lui faire grise mine ou à lui tourner le dos.

Et ce qui est grave, c’est que cette poussée d’antibritannisme et d’antiparlementarisme, qui trouve naturellement chez les extrémistes ses plus chauds agents, profite à l’extrémisme, dont le virus, sans gagner encore de nouveaux terrains, va s’exacerber sur place à la faveur des circonstances. Il existait, nous l’avons dit, avant la guerre, latent et diffus, sans force, il ne représentait qu’une petite minorité et dans cette minorité se rencontraient bien des opinions divergentes, sur l’emploi de la violence, sur l’idée républicaine, etc. Le mouvement révolutionnaire de l’Ulster en 1913-1914 excite dans tous ces groupes les appétits de combat, puis l’entrée de l’Irlande en guerre les isola du gros de la nation ; bientôt on vit en Irlande des volontaires extrémistes, séparés des volontaires nationaux, et à Dublin une petite « armée citoyenne » ou Citizen Army, émanée du prolétariat très misérable de la capitale. Le Gouvernement, ayant commis l’irréparable faute initiale de laisser s’armer les volontaires de l’Ulster, se trouva moralement désarmé contre ces troupes séparatistes ou révolutionnaires. Des chefs extrémistes en profitèrent pour les entraîner et pour préparer plus ou moins secrètement un soulèvement contre l’Angleterre. Le mouvement est provoqué et stimulé par les Irlandais d’Amérique, les plus violents de tous, — ils n’ont rien à perdre, — qui, par l’intermédiaire de leurs amis politiques les Germano-américains, nouent des conversations avec le gouvernement allemand, envoient à Berlin un soi-disant délégué irlandais, un cerveau brûlé (Ulstérien d’ailleurs), sir Roger Casement, et qui