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obtiennent enfin de l’Allemagne un envoi d’armes en Irlande. Le soulèvement éclate en avril 1916, le lundi de Pâques, à Dublin, deux jours après que la police a arrêté Casement, débarque d’un sous-marin allemand et venu en Irlande, — ô ironie, — afin d’empêcher un mouvement révolutionnaire, et après qu’un bateau allemand chargé d’armes, a été canonné et coulé par la flotte anglaise sur la côte de Kerry.


V

Ce fut en somme peu de chose que ce soulèvement de Pâques 1916 : de fait, — un projet de rébellion plus vaste ayant été contremandé, — il n’y eut pas un millier d’hommes à y prendre part, venant principalement de la Citizen Army, du prolétariat et des slums de Dublin, avec un contingent de volontaires républicains et d’intellectuels néo-fénians. Ce ne fut pas la révolte de l’Irlande, mais une révolte en Irlande. Et qui prit tout le monde par surprise, le gouvernement, l’opinion, les parlementaires. Ceux-ci n’hésitèrent pas, non plus que la masse nationaliste, à condamner sévèrement cet acte anti-patriotrique ; à Dublin même, les rebelles n’avaient trouvé que de l’hostilité dans le peuple. L’impression produite au dehors fut énorme. L’Irlande perdit tout d’un coup la majeure part de la sympathie qu’elle pouvait avoir dans l’opinion des Alliés. En Angleterre, on s’indigna légitimement de se voir frappé dans le dos, tandis que la guerre sollicitait toutes les énergies : on ne se demanda d’ailleurs pas si le gouvernement n’avait pas quelque responsabilité dans l’origine de l’affaire, on ne se dit pas que, pour un millier de rebelles qu’il y a eu à Dublin, il y a alors plus de deux cent mille loyaux sujets irlandais qui se battent pour l’Angleterre sous l’uniforme anglais…

Frappée par l’événement, l’opinion irlandaise était troublée, déconcertée ; la masse n’était pas encore passée à l’extrémisme. Le soulèvement réprimé, c’était le moment de lui faire confiance, et par une politique généreuse de conciliation, d’apaiser l’antibritannisme et de rendre au parti de l’ordre, encore on grosse majorité, son assiette et son influence : l’Angleterre aurait pu, encore a ce moment, reprendre en douceur l’Ile sœur. M. Asquith le comprit, lors d’un voyage qu’il fit à Dublin en mai 1916. Il eut des velléités de bien faire, mais le