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commun qu’à des conditions parfaitement impossibles à réaliser. Le « reste » de l’Irlande ne veut rien savoir de cette caricature de home rule, de cette loi de « démembrement » et d’ « exploitation financière : » unionistes et nationalistes sont d’accord là-dessus. L’Orangisme au contraire accepte le Parlement ulstérien pour six comtés, parce qu’il y voit sa séparation d’avec l’Irlande sanctionnée par la loi, ses garanties assurées ainsi que son privilège de veto quant à l’avenir du développement constitutionnel de l’Irlande nationale. Et voilà comment cette loi donne le home rule à l’Ulster qui l’a toujours combattu, tandis que le « reste » de l’Irlande, qui a toujours demandé le home rule, mais un home rule vrai, devait se trouver légalement, à défaut de ce vrai home rule, réduite au régime d’une colonie de la couronne. N’insistons pas davantage sur cette loi de circonstance, étape passagère, et d’ores et déjà dépassée, mais qui montre bien ce qu’a été jusqu’à présent le fond de la politique de l’Angleterre vis-à-vis de l’Irlande et de l’Ulster.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas de solution à cette question de l’Ulster, qui domine toute la question d’Irlande ? et si la Convention de 1917-1918 n’a pu aboutir à l’accord « fondamental » exigé par M. Lloyd George, est-on on droit d’en tirer argument en faveur de la théorie, très répandue chez les Anglais, d’après laquelle l’obstacle à la solution de la question irlandaise, c’est justement l’Irlande, c’est cette maison divisée contre elle-même, ce sont les dissensions des Irlandais et leur inaptitude foncière à s’accorder, ce qui expliquerait et justifierait dans le passé toute la politique irlandaise de l’Angleterre ? Mais ces divisions irlandaises, n’est-ce pas l’Angleterre elle-même qui, l’histoire nous l’enseigne, les a engendrées et entretenues, par application de la maxime politique du divide ut imperes ? Que l’Irlande ait été et soit encore divisée, cela n’empêche pas qu’elle ne représente à la vérité autre chose qu’une expression géographique : de par l’histoire elle est une « nation, » bien que cela ait toujours été l’objet de la politique anglaise de réduire cette « nation » à l’état de « question. »

De cette nation irlandaise, l’Ulster est pour heur ou malheur partie intégrante. Séparer l’Ulster ou une partie de l’Ulster de l’Irlande, c’est diviser l’indivisible, c’est mutiler un corps vivant. L’Ulster, d’ailleurs, n’est pas et n’a jamais prétendu être une nation à part ; sa population n’est, nous l’avons dit,