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autorité qu’elle tient pour étrangère. La politique du « Château » s’organise selon la manière forte ; c’est le régime de la rigueur, d’aucuns disent de la provocation, c’est la politique du pire, qui ne va pas tarder à porter ses fruits. Inversement, chez les Irlandais, l’antibritannisme est passé au premier plan et devenu maître de la situation. Dans l’altitude passée et présente de l’Angleterre, on ne voit que mauvaise volonté et mauvaise foi, oppression et trahison : donc plus de ménagements à garder. On n’espère plus le home rule. Viendrait-il même un jour, on se demande si ce serait la peine ; on veut plus et mieux maintenant : l’indépendance. On a cessé de croire à l’efficacité des moyens constitutionnels pour gagner les fins nationales. L’ère de l’action légale est finie, celle de l’intransigeance, de l’extrémisme commence. Déjà en 1917, à plusieurs élections partielles, ce sont des extrémistes qui sont sortis vainqueurs du scrutin : dans le comté de Roscommon, on a élu le comte Plunkett, père d’un des insurgés de Pâques 1916 ; dans le comté de Clare, le chef du Sinn Fein, E. de Valera, a été élu en remplacement du frère du leader, Willie Redmond, qui venait d’être tué à la guerre. Enfin, en décembre 1918, voici les élections générales, qui montrent combien les voies de l’Angleterre et de l’Irlande ont divergé : tandis qu’en Angleterre elles apportent au gouvernement une masse compacte de 400 « coalitionnistes » à tendances réactionnaires et chauvines, en Irlande, c’est la débâcle du parti parlementaire qui, de 80 membres, tombe à 6 ; c’est le triomphe de l’extrémisme, qui enlève 73 sièges. Les modérés, les constitutionnels sont balayés et disparaissent de la scène : le pays ne croit plus en eux, ne veut plus d’eux.

Triste fin d’un parti qui, pendant plus de quarante ans, dans des circonstances souvent difficiles, a présidé honorablement aux destinées du pays, et l’a mené bien près du but. Il y avait eu, avant lui, des nationalistes isolés au Parlement, mais le parti ne datait en réalité que des élections de 1874 où, pour la première fois, le secret du vote avait permis à la vraie Irlande de se faire représenter à Westminster. On vit son apogée sous Parnell, en ces temps où, par l’obstruction d’abord, puis par le jeu de bascule entre les deux grands partis anglais, il exerçait aux Communes un pouvoir redoutable, faisant et défaisant les ministères, convertissant Gladstone au home rule. Puis, Parnell disparu, ce fut la triste période des dissensions, jusqu’au jour où