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De sa gloire, il supporte sans chagrin les ennuis, mais il voudrait bien en retirer les avantages, et le premier de tous, un peu d’argent, de cet argent qu’il méprise, mais sans lequel les loisirs de sa vieillesse lui paraîtraient insipides.

Peu à peu il a vendu presque tous ses biens de Champagne ; il s’est même défait de la maison patrimoniale de Château-Thierry. Sans doute, il jouit toujours du logis que lui a gardé Mme de La Sablière ; il ne le quittera qu’après la mort de son amie. Là il s’est fait un intérieur à son goût. Les bustes des grands philosophes de l’antiquité décorent la chambre où il a coutume de recevoir ses amis, Vergier, Saint-Dié, Hervart et pour donner à ceux-ci le plaisir d’un peu de musique, il a fait apporter un clavecin ; une « Chloris » vient y chanter des chansons.


La Chloris est jolie, et jeune, et sa personne
Pourroit bien ramoner l’amour
Au philosophique séjour.
Je l’en avois banni ; si Chloris le ramène,
Elle aura chansons pour chansons[1].


Mais il est peu probable que Mme La Sablière ait consenti à faire les frais des philosophes en terre cuite, du clavecin, et je n’ose ajouter, de la Chloris.

Pour sortir d’embarras, à défaut des bienfaits du Roi, un seul moyen lui restait, celui dont alors tous les poètes usaient sans vergogne.


On ne peut trop louer trois sortes de personnes :
Les Dieux, sa maîtresse et son roi,


dit La Fontaine. Là-dessus il raconte comment, pour reconnaître les louanges dont Simonide les avait comblés, Castor et Pollux donneront à leur poète un avis opportun et lui épargnèrent de recevoir un plafond sur la tête ; puis il conclut :


Je reviens à mon texte, et dis premièrement
Qu’on ne saurait manquer de louer largement
Les Dieux et leurs pareils ; de plus, que Melpomène,
Souvent, sans déroger, trafique de sa peine ;
Enfin qu’on doit tenir notre art en quelque prix.
Les grands se font honneur dès lors qu’ils nous font grâce :

  1. Lettre à M. de Bonrepaus, 31 août 1687.