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question. Le 11 octobre 1920, les députés nationaux Mumm, Paula Muller, Marg. Behun provoquent un incident au sujet du pamphlet Français de couleur sur le Rhin, et demandent au gouvernement ce qu’il a fait « pour éveiller la conscience mondiale sur celle ignominie. » Le 28, Mumm revient à la charge. Un représentant du gouvernement doit lui confirmer que celui-ci s’efforce, « par tous les moyens » (Gazette de Cologne du 30), d’obtenir le retrait des troupes de couleur. Herr von Starck, commissaire d’Empire dans les pays rhénans, n’a-t-il pas soumis à la Haute Commission interalliée une ample documentation au sujet des excès imputables à ces troupes et le gouvernement, qui a pris soin d’adresser des protestations solennelles à toutes les ambassades de l’univers, n’espère-t-il pas obtenir satisfaction du gouvernement français ?


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Cette « ample documentation » du Reichkommissar von Starck, voyons un peu en quoi elle consistait. Et d’abord les 50 000 noirs « lâchés sauvagement sur les femmes et les enfants d’Allemagne » n’ont jamais existé que dans les romans nègres de Morel et de Miss Beveridge ou dans l’imagination non moins extravagante du ministre d’empire Köster. En juin 1920, il n’y avait en Rhénanie et dans la Sarre que 25 000 hommes de troupes indigènes. Encore fallait-il en défalquer 7 000 blancs appartenant aux cadres métropolitains et 14 000 Malgaches, Annamites ou Africains du Nord, de sorte que l’élément purement noir se réduisait à une simple brigade de 4 000 hommes, la brigade sénégalaise du général Bordeaux, qui, ce mois-là, allait quitter ses cantonnements de Worms et de Mayence à destination de la Syrie. Même, elle s’en fut dans des conditions assez mortifiantes pour l’amour-propre germanique. Car, pour la première fois peut-être dans l’histoire des peuples, on vit les femmes et les filles du vaincu lamenter bruyamment le départ du vainqueur et le couvrir de fleurs en versant des larmes qui devaient inspirer à Maximilien Harden une bien cruelle satire sur les mœurs de ses compatriotes (Zukunft, n° 38, 1920).

Prenons date. Depuis juin 1920 donc, aucune troupe noire n’est demeurée sur place. Ce sont des régiments algériens, tunisiens ou marocains qui, désormais, montent la garde au Rhin. Mais, de crainte que l’opinion ne se retourne contre elle,