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Allemandes sans vergogne qui, loin de craindre d’être séduites s’efforcent de séduire autrui. » Même constatation du Mannheime Tageblatt : « La gendarmerie locale, la police et les patrouiller doivent entreprendre des rafles aux abords des camps pour réprimer les provocations scandaleuses des femmes de mauvaise vie, » note-t-il le 15 juin. Mieux : à un meeting de la « Société Pacifique » tenu en décembre à Cologne, le pasteur Bleier, de Berlin, dénonce la propagande anti-nègre du Heimaldienst et en expose toute l’infamie, montrant qu’il y a invention dans la plupart des cas, exagération grossière dans les autres. Et Mme Lida Gustava Heymann, rédactrice en chef de la revue mensuelle la Femme dans l’État, après avoir visité différentes stations thermales, assure n’y avoir jamais entendu prononcer de jugement plus sévère contre les noirs que contre les Belges, les Anglais, ou les Américains.


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Venant a l’appui des vives protestations que la Haute-Commission interalliée adressera coup sur coup les 3, 10 et 26 juillet, puis le 30 août 1920, au Reichskommissar, de tels témoignages, que nous pourrions multiplier à l’infini[1], auraient dû suffire pour dessiller les yeux des neutres et des allies.

Malheureusement, on constate une regrettable carence de notre contre-propagande, en face de l’extraordinaire acharnement des agonis allemands ou germanophiles. Cela explique les succès que ceux-ci ont remportés ici ou là, à nos dépens[2].

  1. Voir notamment Der Kampf du 25 avril 1921 et le Berliner Tageblatt du 20 mai dernier.
  2. Dans le numéro du 19 octobre 1920, du Fränkischer Kurier, le directeur de ce journal, Heinrich Distler, déjà rite, énumérait complaisamment les résultats qu’il avait obtenus de sa propre initiative. On serait fier à moins. Qu’on en juge :
    « L’appel que j’ai lancé avec l’aide de la presse allemande, et tout particulièrement de la presse bavaroise, en faveur de la création d’une ligue contre la Honte noire ne m’a pas apporté qu’une centaine d’adhésions de la part de mes confrères, mais encore d’innombrables offres de concours émanant de toutes les classes des différents pays du continent. Hollande, Danemark, Suède, Suisse, voire même d’Angleterre et de France. Mais comment ces gens ont-ils connu cette honte noire que l’on pourrait aussi bien appeler « peste noire » ou « misère noire ? » Comment ont-ils connu cette horreur que le Français Jean Finot appelle « une tache horrible sur l’écusson de France, » Henri Barbusse « la chimère monstrueuse de la folie du vainqueur » (sic), le général anglais Thomson « la politique de suicide d’une clique de réactionnaires et de militaristes » et que l’homme d’État italien Fabricio Maffi qualifie tout bonnement de vulgaire impudence ? La plupart de mes correspondants ne connaissent même pas les honorables écrivains que je viens de citer et n’ont jamais rien lu d’eux. Les lettres que je reçois commencent presque toutes par ces mots : « J’ai souvent vu dans les journaux de Munich, dans le Fränkischer Kurier ou dans les journaux de Berlin, de Leipzig, de Francfort… » Et le bon apôtre de conclure, avec Morel : « La France se cassera la tête contre la Honte Noire. »