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qui porte au pays de Mme Chrysanthème un de nos officiers de marine et son frère Yves, l’un et l’autre chantants.

Imaginez encore moins une de ces « nacelles » de rêve, à la Schubert, toutes pleines de romantiques barcarolles. Réel est le bachot, ou la péniche, où s’embarquent ici nos gens. Petites gens, gais lurons et commères accortes aux façons lestes, au verbe haut et dru. Tonton, sa cousine Adèle, et Gérard le batelier, leur cousin, plus Marie Bada, la harengère, et le caporal Golzeau, « Liégeois francisé, » de la paroisse Saint-Gangulphe, forment un quintette populaire autour duquel, à la manière antique, « la compagnie du bateau » figure le chœur. Il est temps de partir. En termes imagés, (le wallon bravant lui aussi l’honnêteté), les deux cousines pressent le batelier de pousser de l’arrière. — « Un peu de patience. Nous attendons Marie Bada. — Qui ! Marie Bada ! s’écrient les petites, cette chienne de soularde ! Qu’elle aille vendre ailleurs ses harengs pourris, mais ne vienne point nous en empester. » — Elle vient pourtant, elle accourt, « toute en écume, » la harengère. Et déjà, sur le marinier qui n’en peut mais, et sur les deux cousines, tombent, puis retombent sur la Bada elle-même des mots dignes du vocabulaire shakspearien. « Borgne-gueux, gueule de loup, chenille poilue, groin de guenon, évier de mon corridor » sont les plus deux vocables de ces litanies alternées. Le duo de Mme Barras et de la fille Angot, auprès de cet ensemble, n’est qu’un aimable échange de civilités.

Cependant le bateau file, puis s’arrête un moment pour prendre un nouveau passager, le caporal Golzeau. Gérard le présente aux dames et l’invite, n’osant intervenir lui-même, à les calmer. Le caporal s’y emploie de son mieux, vainement. Elles ont tôt fait de s’unir contre le conciliateur. Celui-ci riposte, il entre dans la querelle, qui s’anime d’autant, cependant que le chœur, le raisonnable chœur, déplore ces disputes et prêche la paix. C’est le premier acte.

Au début du second, tout le monde a mis pied à terre. La « compagnie du bateau » continue de philosopher sur le danger, pour un homme, de se mêler des querelles de femmes. Un peu plus, et le caporal s’en fût allé, la tête en bas et « le… reste en haut, » barboter dans la rivière. Arrive Odile, qui vient de s’entendre avec le garçon de bains. Il n’y a de libre qu’une seule baignoire. On y tiendrait à dix, mais pour l’instant elle est occupée par une grosse femme, encore toute rouge de ventouses qu’elle s’est fait poser. En attendant, le trio féminin commence à se déshabiller. La paix est faite. Aussi bien, comment en vouloir à la Marie Bada ! C’est une si bonne fille.