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gouvernement canadien a choisi deux lacs, dans le nombre indéfini des belles étendues claires entourées de bois, et l’un s’appelle désormais lac Hémon, et l’autre lac Chapdelaine. Le nom du jeune Français, là-bas, a été glorieux quand il était à peine connu chez nous. Des lettrés, de Québec ou de Montréal, sont allés jusqu’au lac Saint-Jean, pour interroger le père Chapdelaine et Maria, et leur parler de Louis Hémon. Ils les ont trouvés, et avec eux la mère Chapdelaine, qui n’est morte que dans le roman. L’un de ces pèlerins, M. Léon Mercier Gouin, a très joliment noté les réponses qui lui furent faites.

« Un soir de la mi-août dernière, a-t-il écrit, nous veillions à Péribonka-sur-Péribonka. Notre hôte était « Samuel Chapdelaine » lui-même. Tout le monde là-bas a lu le livre de Hémon et s’est reconnu comme en un miroir fidèle…

« Monsieur Hémon, me dit M. Bédard (Samuel Chapdelaine), a travaillé chez nous. Il a dû nous arriver aux alentours du printemps de 1912. M. Hémon m’a déclaré qu’il était venu étudier pour faire un livre sur les gens de par ici. Je vous assure que c’était un bon garçon dépareillé. Il écrivait quasiment sans arrêter. C’était tantôt pour le journal le Temps de Paris, et tantôt pour des papiers anglais de Montréal. Comme journalier, il n’y a pas à dire, il ne forçait pas pour le gros ouvrage. Pour ça, il ne valait pas cher, comme qui dirait. Mais, pour être de service, je vous assure qu’il l’était pour tout de bon. Il était toujours paré à faire plaisir. Il avait le cœur sur la main ; il donnait tout son argent aux deux petits orphelins que j’élève. De tout le temps qu’il a resté avec nous autres, il ne s’est jamais impatienté. Quand bien même on avait de la misère noire, il était de bonne humeur, pareil comme de coutume. Ç’a été bien de valeur de le perdre. Je trouve ça une vraie pitié, moi qui vous parle, de voir du bon monde comme lui mourir jeune comme ça ! »

« Cet éloge m’a paru infiniment touchant dans la bouche du père Chapdelaine. Je voudrais vous communiquer l’émotion très douce qui s’en dégageait. J’interrogeai ensuite la « défunte » Mme Chapdelaine… Je lui dois mes meilleures notes…

« Ah ! oui, dit-elle, nous l’aimions bien, ce pauvre M. Hémon. Vous ne pouvez pas vous figurer combien il était bon pour nos petits enfants adoptés. Le petit dernier « Tit’homme » était alors encore en robe. M. Hémon passait tout