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Nous, nous-mêmes ! Sauvons-nous nous-mêmes. Au lieu de demander la liberté, prenons-la. Foin des parlementaires, qui « aboient toujours et jamais ne mordent, » et du parlementarisme, jeu inutile et dégradant, école d’esclavage et d’anglicisation ! Envoyer des représentants dans ce Parlement de Westminster, qui n’est, comme disait Mitchel, qu’ « un foyer de corruption et une usine à coercition, » ce n’est pas seulement jouer un jeu de dupes, car l’Angleterre n’a jamais cédé qu’à la crainte ou à la contrainte ; mais c’est compromettre l’Irlande en reconnaissant l’autorité d’une assemblée étrangère, c’est admettre la validité de l’Acte d’Union de 1800 et légitimer sous un vernis constitutionnel la force britannique en Irlande. Le home rule ne serait qu’une caricature de liberté, avec le seul droit de gérer « le gaz et l’eau » et quelques petites affaires de ce genre : vive l’Irlande indépendante, souveraine ! . L’Irlande république ? Le Sinn Fein ne va pas encore jusque-là ; il se contenterait de la Constitution de 1782, qui ne laissait entre l’Irlande et l’Angleterre qu’un lien unique et fragile, la Couronne. Il n’ose non plus prôner, comme font les autres révolutionnaires, la « Force physique, » du moins quant à présent, et jusqu’au jour où les circonstances permettraient d’engager la lutte avec espoir : l’appel aux armes ne doit être que le dernier acte du drame. En attendant, ses moyens sont la résistance passive et la reconstruction autonome. Plus de compromis. Plus de députés irlandais à Londres, mais une assemblée nationale à Dublin. Plus d’enrôlements dans l’armée britannique. N’allons plus aux tribunaux royaux, mais à des cours irlandaises d’arbitrage. Refusons l’impôt anglais. Reconstituons sur des bases nationales nos écoles, notre industrie, notre commerce ; libérons-nous de la sujétion économique de la Grande-Bretagne, et, comme disait déjà Swift, « brûlons tout ce qui nous vient d’Angleterre, hors le charbon. « Faisons une Irlande prospère, une Irlande nationale, une Irlande malgré les Anglais et sans les Anglais. L’Irlande est libre dès qu’elle agit comme si elle l’était.

Politique d’attente et de régénération, politique révolutionnaire aussi, ou plutôt extrémiste, sinon par les moyens actuels, du moins par le point de départ et le but. C’est la rébellion pacifique en réponse à la pénétration pacifique ; c’est le self kelp, l’ « aide-toi toi-même, » appliqué à la vie nationale ; c’est, avant la lettre, l’application du principe wilsonien de la libre