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d’ailleurs que l’Irlande, dont les droits d’État souverain sont imprescriptibles, est justifiée à s’allier avec telle Puissance qu’il lui plaît, comme elle a fait avec la France au temps d’Humbert et de Hoche. Lors de la rébellion de Pâques 1916, pendant la « république des six jours » à Dublin, ils ne craignent pas de placer dans la proclamation du gouvernement provisoire une allusion à leurs braves alliés d’Europe. » L’imputation d’entente avec l’Allemagne, le Sinn Fein l’a, quant à lui, toujours repoussée, comme il a repoussé toute responsabilité dans la rébellion de Pâques : il n’était alors encore ni pour la république ni pour la révolution armée.

Il n’a pas fait la rébellion de 1916, ce serait plutôt elle qui l’a fait, du moins qui a fait de lui ce qu’il est devenu. L’échec du soulèvement démontre à tous l’impossibilité de la lutte à armes égales contre la puissance anglaise : découragés, finis, les ultras de l’extrémisme viennent alors au Sinn Fein. C’est à lui aussi que vient peu à peu le gros du pays, c’est à lui que profite la poussée de révolte due à la guerre et qui suit la répression militaire de 1916, puis l’échec du home rule et de la Convention de 1917-1918. Porté par le sentiment populaire, il devient ainsi un parti politique. En novembre 1917, il compte 1 200 clubs dans le pays ; M. de Valera passe à la tête du mouvement, aux lieu et place de M. Griffith : l’homme d’action prime l’homme de pensée. Il triomphe enfin aux élections générales de décembre 1918. En même temps, ses tendances se sont modifiées avec sa situation ; un grand parti ne peut se contenter d’une politique d’attente et à lointaine échéance. Sans rien abandonner de ses principes anciens, il se rallie à l’idée républicaine, non par amour de la république, mais pour réserver la forme future de la constitution. Il se rapproche aussi des idées de la « force physique, » qu’il entend adapter aux circonstances et aux possibilités. Voilà le Sinn Fein au pouvoir, devenu républicain et révolutionnaire.


III

Il ne se lance pas, pour débuter, dans la révolution, dans la « force physique, » qui ne viendront que plus tard, à défaut d’autres moyens. C’est, sinon la république, du moins un « gouvernement » révolutionnaire et républicain qu’il cherche