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Mrs. Despard, sœur du maréchal French. Mais cela ne signifie pas que tout le monde approuve également le Sinn Fein. D’abord celui-ci, en devenant toute l’Irlande, n’est pas resté comme au début quelque chose de simple et d’homogène. Il a pour dirigeants des catholiques et des protestants, des landlords et des ouvriers, des prêtres et des laïques, dont les tendances ne peuvent être toujours concordantes. Il y a un Sinn Fein relativement modéré, il y en a un particulièrement avancé. Il y a le Sinn Fein intellectuel, doctrinaire, romantique, qui rêve de Robert Emmet ou de 1848, et le Sinn Fein guerrier. Dans l’armée républicaine, à côté des gunmen selon le type américain, des énergumènes ou des « professionnels, » on trouve de braves gars, de jeunes paysans ignorants du monde et de la politique, mais sincères dans leur conviction patriotique et dans leur sens du droit, religieux, tempérants, sans tache dans leur passé, sans haine pour l’adversaire.

Cela explique qu’il y ait, dans le gros de l’opinion irlandaise, à l’égard du Sinn Fein bien des façons de voir différentes. Les plus ardents, ce sont les jeunes ; avec eux, les femmes, qui étaient, il y a cinquante ans, contre le fenianisme et sont aujourd’hui chaleureusement pour le Sinn Fein ; puis tous les enthousiastes, les idéalistes, qui sont légion en Érin, et les révoltés. À l’opposé, voici, à côté des unionistes ou de ce qui en reste, les gens d’ordre et d’expérience, les hommes d’affaires, bourgeois, commerçants, gros fermiers, les anciens home rulers, l’élément autrefois dominant, opposés à l’extrémisme, non moins hostiles à l’oppression anglaise : impuissants contre la politique de violences, dégoûtés et paralysés, ils se tiennent à l’écart, ou s’étiquettent nominalement sinn feiners, faute de savoir à quel saint se vouer.

Entre deux, la grosse masse : elle est, avec ou sans zèle, pour le Sinn Fein, parce que, depuis l’effondrement du home rule, il n’y a plus autre chose en Irlande. Elle s’est laissé séduire par l’idéal de l’indépendance, suivant en cela le bas clergé et une partie de l’épiscopat. Elle n’a pas d’attrait pour la violence. Les évêques, dans chacun de leurs mandements, condamnent les crimes irlandais ; l’un d’eux, le Dr Gohalan, évêque de Cork, a même prononcé l’excommunication à l’égard des auteurs d’attentats contre la police ou l’armée ; hommage a été publiquement rendu par le Chief Secretary, sir