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l’Ulster, en ravivant l’Orangisme, en accentuant la coupure entre le Nord et le Sud. On se rappelle qu’avant la guerre l’Orangisme s’était soulevé en Ulster, avec autant d’impudence que d’imprudence, contre les aspirations autonomes de l’Irlande nationale. Après avoir été ainsi l’un des générateurs de l’Extrémisme, il dut à celui-ci après la guerre un redoublement de vigueur. Plus le Sinn Fein s’engage dans la violence, plus la violence se surexcite en Ulster. Crimes et attentats se multiplient dans le Nord-Est, sous l’œil complaisant des autorités, contre les nationalistes, en même temps qu’ils se multiplient dans le Sud contre les forces gouvernementales ; ils dégénèrent à plusieurs reprises en véritables pogroms anti-catholiques à Derry, à Belfast et dans les environs. Les « covenanters » de sir E. Carson, les « volontaires ulstériens, » se sont organisés en police spéciale et rivalisent de zèle avec les Black and Tans. Catholiques et nationalistes, chassés de chez eux, fuient comme fuyaient en 1914 nos populations du Nord devant l’invasion germanique. La « Terreur Orange » riposte à la « Terreur verte. » Ajoutez que le Sinn Fein, usant d’une arme puissante, mais dangereuse, a dans une certaine mesure boycotté commercialement l’Ulster qui, tirant grand profit de ses affaires avec le Sud, s’est senti atteint dans ses œuvres vives. Bref, le fossé s’est creusé qui sépare le « coin sacré » de l’Irlande nationale. L’idéal de l’Unité irlandaise est rejeté au loin, et le problème de la politique intérieure d’Erin est rendu plus grave que jamais. — D’autre part, dans l’ordre économique, la situation n’est pas moins inquiétante. Non seulement la guerre, avec la destruction des récoltes, la Suppression des foires et marchés, l’arrêt ou le ralentissement de la circulation, l’administration locale dans le chaos, les emprisonnements, les réquisitions, a quasiment arrêté la vie économique dans le Sud, mais elle en a dangereusement tari les sources pour l’avenir. Villes et villages à sac, fermes, usines, maisons ruinées, c’est un énorme capital détruit sans espoir de compensation. L’esprit d’entreprise se meurt, le chômage est partout, et la misère aiguë. Il s’est organisé pour le soulagement des sinistrés une Croix-Blanche irlandaise, à laquelle le Saint-Siège a envoyé en mai dernier, avec son approbation, une contribution de 200 000 lire. Les Américains ont fondé un Comité de secours dont le Président Harding a chaleureusement appuyé l’appel. Mais qu’est-ce que cela devant