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différentes circonstances. Mais, bien que la maladie ne fût pas réellement prononcée et caractérisée, le mal était invariablement fixé et tout ce que l’on faisait pour rendre l’Empereur à la santé ne pouvait avoir aucun pouvoir sur la volonté du Ciel.

L’abbé Buonavita, le plus âgé des deux prêtres, était, depuis quelques mois, perclus de ses membres et à tel point qu’il n’avait plus, à vrai dire, le pouvoir de sortir de sa chambre. On craignait chaque matin de le trouver mort. Un jour l’Empereur le fit appeler et lui fit comprendre qu’il serait plus convenable et plus prudent de retourner en Europe, que de rester à Sainte-Hélène, dont le climat devait être très préjudiciable à sa santé et que, fort probablement, celui d’Italie prolongerait ses jours. Puis, il fit écrire à la famille impériale pour qu’elle eût à lui faire une pension de trois mille francs. L’abbé, en remerciant l’Empereur de ses bontés, lui exprima tout le regret qu’il ressentait de ne pas finir les jours qui lui restaient auprès de celui auquel il avait fait le sacrifice de sa vie. Ce pauvre vieillard était alors loin de penser que, peu de temps après son arrivée en Europe, il apprendrait la mort de son bienfaiteur. Avant son départ pour Jamestown, M. Buonavita fit une dernière visite à l’Empereur qui lui donna diverses instructions pour être transmises à la famille, et le chargea probablement d’une mission auprès du Saint-Père.

Plus l’Empereur allait, plus sa figure s’altérait et plus ses forces diminuaient. Il était visible, et très visible, que chez lui le principe de la vie s’amoindrissait peu à peu et que le terme de son existence n’était pas éloigné. M. de Montholon était plus fréquemment auprès de lui et le Grand-Maréchal venait tous les jours passer quelques heures dans la matinée et dans le courant de la journée.

Un jour, c’était deux mois environ avant sa mort, l’Empereur était dans le parloir, M. de Montholon était avec lui ; il demande son dîner, qui lui est servi peu de moments après. Pierron et moi, nous le servons. Il mange son potage, qui, je crois me rappeler, était un vermicelle. A peine l’a-t-il fini qu’il a des nausées. M. Antommarchi fut appelé. Il ne vint qu’un quart d’heure ou une demi-heure après et ne vit rien autre chose que le résultat d’une indisposition passagère. Le lendemain, même vomissement que la veille et à peu près à la même heure. Antommarchi fut encore appelé ; mais il ne donna