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le silence. Quatre fois par jour, la rue étroite éclatait dans un effrayant tumulte de deux mille externes qui se poursuivaient, criaient, se battaient et manquaient de se faire écraser par les charrettes et les chevaux de charge. Les dimanches et les jours de fête, c’était une file ininterrompue de carrosses qui se dirigeaient vers le Collège. Cependant il sortait peu, travaillait beaucoup ; quelques rares visiteurs, de mine grave, montaient chez lui, plutôt vers le soir ; et un certain M. Périer, arrivé de province, qui avait loué une chambre au-dessous de la sienne, semblait le connaître assez intimement. De temps en temps, son domestique Picard passait, d’un air secret, un rouleau de papier à la main. Ce que Picard portait au Collège d’Harcourt ou ailleurs, parfois sous les yeux distraits des Pères Jésuites qui rentraient à Clermont, c’était le manuscrit ou les épreuves d’une Lettre Provinciale

Mais ni l’immortel pamphlet, ni le Parlement, ni l’Université ne pouvaient rien contre le succès du Collège, et en 1682 la protection officielle de Louis XIV sembla le garantir à jamais des coups de la fortune. Gallicans, Jansénistes, Libertins n’en continuèrent pas moins à accuser les Jésuites d’internationalisme, d’hypocrisie, de régicide. L’Université s’obstinait à refuser aux externes la possibilité de se loger au pays latin, et « les internes, pour peu qu’ils eussent besoin d’un diplôme académique, savaient d’avance que leur inaptitude serait, avec une perfidie scientifique notoire, outrageusement constatée. » Les attaques se multiplient. En 1757, l’attentat de Damiens ressuscite la mémoire de Jean Chatel. Le même esprit, qui prépare la Révolution et la chute de la Royauté, attribue l’acte de ce malheureux déséquilibré à l’influence de son passage comme domestique au collège Louis-le-Grand. Une foule menaçante envahit les abords de la maison, et, en une seule journée, les parents retirent plus de deux cents pensionnaires. Enfin, à la suite de la banqueroute du Père Lavalette, la suppression de l’Ordre est résolue. Les arrêts rédigés contre les Jésuites « sont hérissés de citations, de noms, de dates, puisés, avec plus d’emportement que de critique, dans tout ce qu’ils avaient écrit, dans toutes les censures qu’ils avaient encourues de la part des papes ou des évêques, dans toutes les objections soulevées par les Assemblées du clergé. » Ces hommes pervers étouffent les sentiments humains, dépravent les consciences, foulent aux