Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/772

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impérial, avec la totalité de ses forces militaires et maritimes. Il s’agissait d’ailleurs de couvrir éventuellement la capitale de l’Empire contre une attaque subite de la Russie ou du Japon.

On conçoit que, dans ces conditions, la préoccupation dominante du vice-roi ait toujours été de conduire la politique étrangère de son pays de manière à éviter une guerre extérieure, et qu’il ne se souciât nullement de recevoir, à l’instigation de ses adversaires politiques intéressés à l’éloigner de Pékin, la mission de chasser nos troupes du Tonkin. Car, si, d’après ses attributions officielles, il répondait sur sa tête de la fidélité du roi de Corée à ses devoirs de vassal, ce qui n’était pas son moindre souci, il considérait d’autre part comme non moins redoutable pour lui, d’être réduit à courir les risques d’une opération militaire au-delà des frontières méridionales de l’Empire.

Aussi a-t-il toujours cherché à intervenir à propos, pour empêcher l’attitude arrogante et comminatoire du marquis de Tseng, l’ambassadeur de Chine à Paris. Notre occupation du Tonkin était encore très précaire, et il voulait éviter de nous pousser, malencontreusement, par représailles, à une offensive assez résolue pour être finalement victorieuse. Il s’y employait alors en nous faisant, comme négociateur de son gouvernement, les concessions nécessaires ; et ces concessions, il les imposait à ses adversaires politiques de la cour impériale et du Tsong-Li-Yamen, avec l’appui de ses amis puissants et de l’Impératrice régente.

Cette digression sur les particularités peu connues de la situation exceptionnelle et difficile de Li-Hong-Tchang à la cour de Pékin en 1878, était, on le verra, indispensable pour expliquer la marche tortueuse, vraiment déconcertante au premier abord, des événements auxquels a donné lieu, de 1882 à 1886, notre conflit avec la Chine au sujet du Tonkin.


* * *

Après la débâcle des glaces dans le Peï-ho et la remise en état de disponibilité de ma canonnière pour rejoindre la division navale de l’amiral Ch. Duperré, je reçus, de Li-Hong-Tchang, une invitation inattendue qui me montra, une fois de plus, l’intérêt croissant qu’il attachait à mes avis et la faveur dont je jouissais dans son esprit.

M. Dillon m’informa qu’il me priait de l’accompagner avec