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troupes françaises, — et c’est sur celle-là que je veux finir :

« J’ai assisté au croisement d’un train de ces réfugiés et d’un convoi amenant un bataillon français. D’un côté, l’on pleurait : les enfants, blottis dans les bras de leurs mères, avaient froid, la pluie tombait glaciale. Sur l’autre voie, nos soldats chantaient gaiement. Enthousiasmés par les réceptions qui leur furent faites… ils avaient piqué à leurs bérets des fleurs reçues le long de la Riviera. Ils allaient prendre leur place au front italien avec un entrain magnifique pour des hommes depuis plus de trois ans sous les armes.

« Soudain, à la vue du lamentable convoi, les chants cessèrent, tous nos poilus devinrent silencieux. Dans les yeux des pères on pouvait lire une pitié infinie, à l’idée que des petits innocents souffraient par les Boches.

« Alors, dans un élan magnifique, du convoi fleuri qui montait vers le front, les soldats français descendirent et, en hâte, se mirent à distribuer aux enfants des réfugiés les pommes, les poires et les figues dont on les avait gratifiés le long du chemin. Il était tard, sinon, j’aurais voulu photographier un soldat à grande barbe donnant à boire du café, dans sa gourde, à une ravissante fillette aux yeux noirs qui avait perdu son papa dans la retraite et qui, confiante, expliquait en italien son malheur au brave soldat, ne comprenant pas un mot, mais heureux de soulager une souffrance… Et les vieux montagnards du Cadore, en voyant cette belle jeunesse, si pleine de confiance, se reprenaient à espérer. »


* * *

Telle fut, dans ses traits principaux, l’aide apportée par les convois automobiles au passage des Alpes par les armées françaises, en novembre 1917, aussi bien pour les transports de troupes, de bagages, de ravitaillements, que pour l’organisation générale de la circulation.

Le 5 novembre, c’est-à-dire huit jours après l’alerte, nos troupes, venues du front de l’Aisne ou des Vosges, avaient passé le Mont Genèvre, quinze sections automobiles aidant au passage, transportant les bagages et les vivres. Sur ces quinze sections, quatre avaient déjà dépassé Turin, en route sur Milan et Vérone, trois les suivaient, huit devaient continuer les navettes entre Briançon et Pignerol. La Commission régulatrice automobile