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VOYAGE EN URUGUAY

L’Aurigny avait quitté Bordeaux, et de jour en jour la mer changeait d’aspect. Par les belles matinées, sous une face dorée, elle colorait ses ombres d’un bleu de pierre. Les rivages de Lanzarote apparurent à bâbord, appuyant leurs nappes de sables à leurs crêtes découpées. Un matin, on se trouva devant Dakar, qui est aujourd’hui une ville à la mode d’Europe. Le bateau était maintenant couvert de toiles qui le protégeaient du soleil. Après les houles de l’alizé, on arriva dans une mer calme, sous un ciel blanc. Des averses commencèrent à tomber. Et de nouveau le ciel se rasséréna. La brise qui soufflait naguère de l’arrière, venait maintenant de l’avant. Les étoiles du pôle Nord, que nous avions laissées derrière nous, se perdaient dans la brume de l’horizon quitté, tandis que les étoiles du pôle Sud apparaissaient à l’autre bout du ciel, sur l’horizon à atteindre. La Croix du Sud traçait le soir son losange dans les haubans de misaine, accompagnée des deux étoiles brillantes du Centaure. Toute la machine du monde tournait autour de notre ligne de marche comme autour d’un axe, et le splendide Orion dessinait l’équateur.

Chaque journée était plus courte que la précédente. Un jour le soleil, se levant dans les brumes, laissa entrevoir un rocher vertical, pareil à une borne immense. On longeait des crêtes noires de palmiers et de longues plages de sables. Une île portait un château vert pâle, où un empereur avait été enfermé. Les eaux, bleues comme celles de la baie de Naples, étaient limitées par un cercle immense de montagnes. C’était la baie de Rio-de-Janeiro. On navigua ensuite sur une mer peu profonde. Il fallait stopper et jeter la sonde qui ramenait des fragments délicats de corail. Un soir, le bateau passa devant une ville illuminée.