Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présenté ni comme un réveil de la conscience, ni comme le fruit d’un désir profond de se débarrasser d’un régime jugé déplorable. La république en Allemagne a eu pour origines la faim, le découragement, les déceptions ; elle n’est en aucune manière l’aboutissement d’un travail fécond des esprits désireux de se ressaisir. M. Stilgebauer reconnaît que l’Allemagne n’offre pas le spectacle d’une nation qui se régénère, d’une nation propre à comprendre les changements d’ordre moral cependant nécessaires pour l’avenir.

Sur cette question si grave, que de fois m’a-t-on répondu, lorsque je cherchais à obtenir quelques précisions : « Mais qu’est-ce donc au juste que la démocratie ? Nous demandez-vous de la comprendre comme vous la comprenez vous-mêmes ? Le vent qui a soufflé sur la France depuis 1789, a-t-il donné des bases solides à votre démocratie ? Nous étions attachés depuis si longtemps à des institutions monarchiques, que nous ne pouvons pas devenir en quelques mois de bons démocrates. » L’une des réponses qui me fut faite m’a rappelé cette remarque du prince de Bülow notant un jour que le principal mérite de Bismarck avait été de comprendre que, pour achever l’unité de l’Allemagne, il fallait soustraire cette œuvre délicate aux facultés qui, par hérédité, sont les plus faibles chez les Allemands, c’est-à-dire aux facultés politiques, pour les confier à leurs meilleures facultés innées, c’est-à-dire à leurs facultés guerrières. L’Allemand n’a pas le sens politique ; il lui faudra longtemps pour l’acquérir, une génération au moins, m’a dit M. Wirth. Et il a ajouté : « C’est toute une éducation à entreprendre. » Or, que d’événements peuvent se produire avant que cette éducation soit terminée ! Le gouvernement actuel ne pourra résister à la formidable poussée qui vient des partis de réaction ; le gouvernement Wirth-Rathenau ne se maintiendra qu’en faisant siennes les doléances de ceux qui fulminent sans cesse contre nous. Et comment oublier que le chancelier a donné son assentiment aux paroles de son prédécesseur déclarant à la Chine que le gouvernement allemand ne pouvait « renouveler une reconnaissance générale du traité de Versailles, » car une pareille démarche équivaudrait à son acceptation par le gouvernement allemand, « ce qui porterait préjudice à la révision ultérieure de ce traité ? »

J’étais bien aise aussi de savoir comment M. Wirth, financier important et grand ami d’Erzberger, apprécierait devant un