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et un élément campagnard, formé par les gauchos. Ceux-ci, pendant ces longues guerres, avaient formé des bandes sous des chefs, qu’on appelait des caudillos. Ces capitaines, absolument indépendants, n’étaient nullement disposés à reconnaître le pouvoir central. De là une lutte entre la capitale et la province, entre les caudillos et les autorités régulières, qui ont dû les détruire, comme dans d’autres pays il a fallu détruire les féodaux.

Ces deux séries d’adversaires, blancs et rouges, d’une part, caudillos et citadins, d’autre part, s’allient diversement, soit entre eux, soit avec l’étranger, qui est lui-même pareillement divisé. Il en résulte une suite interminable de guerres et de révolutions.

Dès 1831, les Indiens se soulèvent et sont massacrés. En 1832, la guerre civile éclate. Elle dure à peu près sans interruption jusqu’en 1838. En 1839, guerre avec l’Argentine, compliquée de guerre civile. Elle dure jusqu’en 1852. C’est ce qu’on appelle la grande guerre. Montevideo est assiégé pendant neuf ans. Alexandre Dumas a écrit l’histoire de ce siège dans les Mémoires qu’il a rédigés pour Garibaldi. En effet, Garibaldi, qui mène à cette époque la vie de gaucho, commande les 600 volontaires italiens qui prennent part à la défense de la ville. Toute sa vie il gardera le costume américain : le poncho blanc et le grand chapeau.

La grande guerre à peine finie, la guerre civile recommence, une première fois en 1854, puis de 1863 à 1865. Le parti blanc, qui gouvernait depuis 1852, tombe ; mais aussitôt la guerre contre le Paraguay éclate et en cinq ans coûte à l’Amérique du Sud 100 000 morts : les batailles sont d’un acharnement incroyable ; à celle du Iatay, sur 3 000 Paraguayens, il y a 1 000 morts et 1 500 blessés.

À cette guerre succède une nouvelle guerre civile, conduite par le colonel Aparicio. Elle dure deux ans, jusqu’en 1872. Nouvelle révolution, en 1875, qui laisse de si sanglants souvenirs qu’on appelle cette année l’année terrible. Révolution en 1886. De 1890 à 1894, il y a un fait nouveau et surprenant : un président de la République passe les quatre années de son mandat sans guerre civile. C’est le premier exemple d’une pareille tranquillité. Mais la révolution recommence en 1894, puis en 1903 et en 1904. Elle s’achève à la sanglante bataille de Masoller, où le