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LA
MÉCANIQUE D’EINSTEIN

Lorsque Baudelaire écrivait :

Je hais le mouvement qui déplace les lignes,

il ne pensait, comme les physiciens de son époque, qu’à ces déformations statiques connues depuis qu’il y a des hommes et qui regardent. Ce que nous avons vu de l’espace et du temps einsteiniens nous montre qu’il y a, en outre, des déformations cinématiques, dues à la vitesse, et à l’abri desquelles ne se trouve aucun objet sensible, si rigide et indéformable qu’il semble. Le mouvement déforme donc les lignes bien plus que ne pensait Baudelaire, et même celles des plus marmoréennes statues. Cette déformation-là, qu’il faut aimer et non haïr, parce qu’elle nous rapproche du cœur même des choses, a bouleversé d’abord la mécanique entière.

La mécanique est à la base de toutes les sciences expérimentales parce qu’elle est la plus simple et parce que les phénomènes qu’elle étudie sont toujours présents, — sinon exclusivement présents, — parmi les phénomènes objets des autres sciences plus complexes, physique, chimie, biologie. La réciproque n’est pas vraie. Par exemple, il n’y a pas un seul phénomène chimique ou biologique où l’on ne doive considérer des corps qui sont en mouvement, qui ont une masse, qui dégagent ou absorbent de l’énergie. Au contraire, les particularités spéciales d’un phénomène biologique, ou chimique, ou physique, par exemple l’existence d’une différence de potentiel, ou d’une oxydation, ou d’une pression osmotique ne se retrouvent pas toujours dans l’étude des mouvements d’une masse pesante et des forces agissant sur elle et par elle. Par rapport à la mécanique, la physique, la chimie, la biologie