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Mais enfin notre conception de la matière est violemment bouleversée. Ce que nous appelions matière, c’était avant tout la masse qui était en elle, ce qui nous semblait de plus tangible à la fois et de plus durable. Et voilà que cette masse n’existe pas plus que le temps et l’espace où nous croyions pouvoir la situer !

Qu’on me pardonne ce que cet exposé a d’un peu ardu. Mais la nouvelle mécanique nous ouvre des horizons si étrangement nouveaux et si étendus qu’elle vaut mieux qu’un regard dédaigneux et rapide. Pour contempler un vaste paysage dans un monde inexploré, il ne faut pas hésiter, quitte à s’essouffler légèrement, à grimper parfois une côte un peu rude.

Il est enfin une autre notion fondamentale de la mécanique, la notion d’énergie qui, à la lumière de la théorie einsteinienne, nous apparaît sous un aspect étrangement nouveau et justifié dans une large mesure, lui aussi, par l’expérience.

Nous avons vu qu’un corps, chargé d’électricité et en mouvement, oppose une certaine résistance au déplacement, par suite de cette inertie électrique qu’on appelle la self-induction. Or, le calcul et l’expérience montrent que, si on diminue les dimensions du corps portant une certaine quantité d’électricité, sans changer celle-ci, cette inertie électrique augmente. En effet, dans les hypothèses faites et si l’inertie est d’origine exclusivement électro-magnétique, les électrons ne sont plus que des sortes de sillages électriques se mouvant dans ce milieu propagateur des ondes électriques et lumineuses qu’on a l’habitude d’appeler l’éther. Les électrons ne sont alors plus rien par eux-mêmes ; ils sont seulement, suivant l’expression de Poincaré, des sortes de « trous dans l’éther, » et autour desquels s’agite l’éther, à la manière d’un lac faisant des remous qui résistent à l’avancement d’un esquif.

Mais alors, plus les trous dans l’éther seront petits, plus l’agitation de l’éther autour d’eux sera proportionnellement importante. Plus, par conséquent, l’inertie du « trou dans l’éther » qui constitue le corpuscule étudié sera grande. Que va-t-il s’ensuivre ? On sait, par les mesures faites, que la masse du petit soleil de chaque atome, du noyau positif, — autour duquel tournent les planètes électrons, — on sait, dis-je, que ce noyau positif a une masse beaucoup plus grande que celle d’un électron. Si cette masse, si l’inertie correspondante