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POÉSIES.

 

D’où, beau souvenir, noble ivresse,
J’emporte avec moi pour adieu
Le sourire d’une Déesse
Qu’enlace le geste d’un Dieu.


VERSAILLES


Versailles ! Je t’apporte une douleur secrète
Et je la confie à tes Dieux,
Avec tout le passé qui flotte et se reflète
En tes bassins mystérieux ;

Ecoute mon tourment, ma tristesse et ma peine,
De tout ton silence attentif,
Et que pleure avec moi le pleur de la fontaine
Dans l’odeur du buis et de l’if !

Accompagne le bruit de mon pas solitaire
De son écho le plus lointain,
Et montre-moi comment en son or qui s’altère
Toute gloire en cendre s’éteint ;

Dis-moi que nul amour ne persiste et ne dure,
Que, si royal qu’il ait été,
Bien qu’invisible encore il porte la fêlure
D’où lui vient sa fragilité,

Et fais que dans mon cœur descende et se prolonge
Cette paix qui te rend si beau,
Versailles, qui t’endors, et tes Dieux, dans un songe
De feuillage, de pierre et d’eau.


HENRI DE REGNIER.