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virulence. Prélevons tous les deux ou trois jours un peu de semence dans le matras maintenu à 42°5 et portons-la dans du bouillon mis à l’étuve à 37°, nous obtiendrons ainsi une série, de cultures de virulence décroissante jusqu’à l’innocuité complète. Dans ces cultures, filles de la culture à 42°5, la bactéridie produit des spores qui fixent les virulences atténuées. Il n’y a plus qu’à choisir dans la série la culture donnant aux moutons une maladie bénigne, mais suffisante pour les rendre réfractaires au charbon. La bactéridie cultivée dans du bouillon additionné de certains antiseptiques, à doses convenables, ne fait pas de spores et s’atténue à la température de 37°. On peut aussi par ce procédé obtenir des vaccins.

La bactéridie peut perdre sa virulence jusqu’à devenir inoffensive pour les animaux les plus sensibles au charbon, les souris par exemple. Elle peut aussi la récupérer ; inoculons cette bactéridie, qui ne tue pas une souris adulte, à une souris qui vient de naître, celle-ci périra ; avec son sang, inoculons une souris un peu plus vieille, elle mourra ; et passant ainsi de souris plus jeunes à souris plus âgées, nous arrivons à tueries souris adultes, puis les cobayes, puis les lapins, puis les moutons et enfin les chevaux et les bœufs. Ce retour de la virulence d’un microbe qui n’en avait plus, nous fait comprendre comment un microbe inoffensif peut devenir redoutable dans certaines circonstances. C’est sans doute en s’habituant peu à peu à la vie parasitaire que des microbes primitivement saprophytes sont devenus des virus et que les maladies infectieuses ont apparu au cours des temps.

Les expériences sur l’atténuation des virus et leur retour à la virulence furent exécutées au cours de l’année 1880 et dans les premiers mois de 1881. Elles se sont succédé presque sans à-coup, comme dans un ordre logique, parce que la question de l’immunité était sans cesse présente à l’esprit de Pasteur et de ses collaborateurs Chamberland et Roux ; elle faisait le sujet constant de leurs conversations, elle domine en effet l’histoire des maladies infectieuses. Pouvoir donner à volonté l’immunité contre une maladie infectieuse était un grand progrès ; Pasteur se l’était assigné comme but ; dès leur entrée au laboratoire, il répétait à ses collaborateurs : « Il faut immuniser contre une maladie dont nous cultivons le virus. »

La publication de la note sur la vaccination anti-charbonneuse