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aujourd’hui, 37 ans après, Meister est concierge d’un des bâtiments de l’Institut Pasteur. Dans l’immunisation de l’homme, on s’arrête d’ordinaire à la moelle de trois jours. Depuis 1885, des centaines de milliers de personnes mordues ont été traitées, après morsure, dans tous les pays ; la mortalité chez ces traités ne dépasse pas 0,3 pour 100. La meilleure preuve de l’efficacité du traitement est donnée par les résultats constatés sur les personnes mordues à la tête ; dans ce cas le virus étant déposé près des centres nerveux a peu de chemin à parcourir le long des nerfs pour atteindre le cerveau et le bulbe, l’incubation est courte et il faut instituer le traitement aussitôt que possible. La mortalité des personnes mordues à la tête par des chiens dont la rage a été sûrement reconnue n’atteint pas 5 pour 100 quand elles sont traitées, tandis que chez les mordus de même catégorie, non traités, elle est au moins de 80 pour 100.

Les difficultés qu’il a fallu surmonter dans ces recherches sur la rage, les résultats obtenus montrent la puissance de la méthode expérimentale et aussi le génie de celui qui les a dirigées. Le traitement préventif de la rage, comme toutes les autres découvertes de Pasteur, donna lieu à des discussions passionnées. Quand un mordu succombait malgré le traitement, son cas était examiné avec le désir d’y trouver un chef d’accusation. Ces orages ont passé ; aujourd’hui, il n’y a plus de détracteurs, et des instituts antirabiques fonctionnent dans presque tous les pays pour la sauvegarde des habitants.

Le labeur intense que Pasteur avait soutenu de 1880 à 1885 et surtout les émotions qu’il avait éprouvées depuis qu’il était entré dans l’étude des maladies de l’homme et des animaux avaient achevé d’ébranler sa santé. Il était absent de Paris quand eurent lieu, à l’Académie de médecine, les fameuses discussions sur la rage dans lesquelles Vulpian, Charcot et Grancher répondaient aux attaques de Peter ; il en ressentit quand même le contre-coup.

L’Académie des sciences pensa que la meilleure récompense que l’on put offrir à Pasteur pour tant de services rendus, était de construire un Institut de microbiologie où il pourrait développer ses méthodes et former de jeunes savants. Elle ouvrit une souscription publique à laquelle prirent part les souverains et les plus humbles citoyens ; c’est avec l’argent venu de tous les pays que fut édifié l’Institut Pasteur. Il fut inauguré en 1888 ;