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sombrement est habité par les morts. Les tours et les toits sont un autre monde fait pour les mouvants nuages, les corbeaux agités, les cloches vivantes. C’est en allant saluer celles-ci, et parmi ceux-là qu’on découvre, après une promenade hasardeuse sur la crête en granit qui surmonte et partage les rapides versants de tuiles, la fameuse Cruz os Farapos, — la Croix des Haillons.

... Une petite croix de fer qui a pour base un agneau couché. Devant, une sorte de cuve est remplie à demi par la poussière qu’apporte le vent, par l’herbe qui essaye d’en vivre. Jusque-là autrefois montaient les pèlerins, vêtus des vêtements neufs offerts par le chapitre. Les loques traînées par eux sur tant de mauvais chemins, jaunies de sueur, durcies par la poussière, déformées, déchirées, défaites par tant de bagarres en cours de route dans les mauvaises auberges, tant de ronces au bord des chemins difficiles, tant de grandes pluies reçues dans ces pays de montagnes... ces loques, ces haillons, ils les posaient sur l’agneau, les accrochaient à la croix. Et de la cuve où on les brûlait ensuite, la malodorante fumée passant haut par-dessus les toits s’allait perdre dans la campagne.


Non che daran roupa nova,


chante aujourd’hui, mélancoliquement, le poète galicien Valentin Carvajal.


Non che daran roupa nova
d’esa roupa vella en cambeo
cando es morecido chegues
a aquela Cruz d’os Farrapos !
Oxe asa Cruz esquecida
a ninguen empresta amparo
vive com’a nosa terra
d’as relembranzas d’antano.

« — On ne te donnera pas de vêtements neufs — en échange de tes vieux vêtements — quand tu arriveras éreinté — à cette croix des Haillons. — Aujourd’hui cette croix oubliée — ne prête secours à personne : — elle vit, comme notre pays, — des souvenirs du passé. »

Les souvenirs du passé, c’est de là-haut, de bien plus haut, qu’ils vont nous apparaître tous, après que, dans leur aérienne