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seul fait subsiste : celui du culte galicien. Il remonte jusqu’au premier tiers du IXe siècle et s’adresse à un tombeau des temps romains que l’on crut alors être celui de saint Jacques. Pourquoi le crut-on ? Nous n’en savons rien... »

Ici même, et non plus parmi les savants, je l’ai rencontré ce scepticisme. Hier, en déployant devant moi les précieuses chasubles du seizième, toutes rebrodées, tout alourdies d’or et de perles, le « sastre» [1] de la cathédrale ne me disait-il pas avec un sourire : « Les os qui sont sous la crypte... dans la châsse d’argent ?... Hé !... qui peut affirmer seulement qu’il y a des os... qu’il y en a jamais eu ? » Je sais... Ce matin cependant où les brumes traînantes s’accrochent à la pointe aiguë du Pico Sacro, enveloppent la croix qui domine le Mont Pierreux, ce vague et changeant matin, ce matin de légende, j’aime mieux penser uniquement au récit que fait de l’émouvante histoire, — s’inspirant des trois clercs de la Compostellane, — le chanoine Santraguais don Antonio Lopez Ferreiro. Il n’y emploie pas moins de quatre cent cinquante et trois pages in-quarto. Et il publie scrupuleusement, après le dernier chapitre, toutes sortes de documents latins destinés à prouver l’historique vérité des moindres détails...

C’est encore à travers son récit qu’il est émouvant d’évoquer, après la mort des disciples et l’épouvante des fidèles dispersés enfin par la violence des persécutions, les siècles d’abandon passant l’un après l’autre sur le petit tombeau. Un bois le recouvrait maintenant, plus obscur et serré que n’avaient Jamais été aux temps loinceecce lointains, de « madame » Lupa, les druidiques forêts du mont Illicino... Et voici qu’à travers les branches de ce bois, de pauvres laboureurs qui remuaient la terre aux bords humides et verts de la rivière Sar, commencèrent de voir luire comme de prodigieuses étoiles. D’autres qui avaient leurs champs à la lisière des fourrés, s’arrêtaient, les deux maies au manche de la charrue, pour entendre des voix qui n’étaient pas de la terre. Alors, ils allèrent chercher un saint ermite qui vivait près de là et qui s’appelait Pelayo. Et l’ermite vit les lueurs, et il entendit les voix, et il s’en fut raconter ces choses à Théodomire qui était alors évoque d’Iria...

... Et si les méthodes excellentes de la critique moderne ne

  1. Tailleur.