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l’autel, les prêtres qui recevaient les pèlerins les groupaient par nations, et appelaient chacune dans son idiome natal. D’une longue baguette légère ils touchaient à l’épaule ces hommes et ces femmes. Et puis ils prononçaient, tournés vers l’apôtre :


Betom a atrom, San Giama,
A atrom de labro.


Ce qui signifie, selon l’interprétation que donne le père Fita de cette phrase galicienne :

« Reçois bénévolement, apôtre saint, ce cri tonnant que dans toutes les langues du monde prononcent les lèvres. »

Sortis de l’église, il fallait continuer de s’émerveiller. Tant de précieuses choses étaient apportées la des quatre coins du monde ! Les Allemands offraient leurs émaux, les Arabes des bijoux, des baumes, des soieries. Devant la façade de l’Azabacheria, sur le paraiso, — ou paradis, d’où le français parvis, — on vendait « des coquilles, des bourses, des courroies, et toutes sortes d’herbes médicinales. » Des prélats passaient, et de nobles dames, des écuyers, des soldats, des marins aussi, débarqués au port du Padron, arrivant d’Angleterre et de Basse-Lorraine. Soudain, tous s’écartaient pour faire place à quelque pèlerin qui chancelait, portant sur son des une lourde pierre ou bien un bloc de plomb, destinés à l’embellissement, à l’agrandissement de l’église.

Aucune splendeur cependant n’égalait celle des processions. A lire le récit que fait de l’une d’elles, au temps du grand évêque Gelmirez, le soi-disant Calixte II, on croit voir ruisseler la lumière de quelque étincelant vitrail tout traversé de soleil.

« Précédant le Roi et à la tête du clergé marchait avec les autres évêques le prélat de Santiago, revêtu du pontifical, coiffé de la mitre blanche, chaussé de sandales dorées et tenant dans son poing droit, orné d’un gant blanc et d’un anneau d’or, un baculo d’ivoire. Des soixante-douze chanoines compostelains, les uns portaient des capes de soie exquisement ornées de pierres précieuses, de fleurs d’or et de magnifiques franges qui pendaient tout autour ; d’autres portaient des dalmatiques de soie, ourlées du haut en bas, avec un goût admirable de franges en or ; d’autres étaient luxueusement parés de colliers d’or semés de pierres précieuses, de bandes lamées d’or... de belles sandales, de ceintures d’or, d’étoles brodées d’or, et de manipules semés de