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UN GRAND LINGUISTE DANOIS, VILHELM THOMSEN.

turcologie tout un domaine nouveau et, en interprétant les vieux textes, fourni des données fondamentales pour l’histoire du turc durant la période la plus ancienne qu’on connaisse.

Il y a bien des preuves de la difficulté, de la quasi-impossibilité même, où l’on est de comprendre un texte en écriture connue, mais en langue inconnue. On a trouvé à Cypre des textes écrits en une écriture inconnue ; bien que le principe de cette écriture diffère tout à fait de l’alphabet grec classique, on a déchiffré ceux de ces textes qui sont composés en grec, et ils ont apporté aux hellénistes des données curieuses. Mais ce même alphabet a servi aussi à noter une autre langue ; or, si l’on a pu, à l’aide des valeurs fournies par les textes grecs cypriotes, lire ces textes en langue inconnue, il a été jusqu’ici impossible de les interpréter et de leur arracher aucun sens. On lit complètement les inscriptions lyciennes trouvées en Asie-Mineure, les inscriptions étrusques que le sol italien a livrées en grand nombre. Mais, comme l’étrusque et le lycien ne ressemblent à rien de connu, on n’est parvenu jusqu’ici à interpréter ces inscriptions que dans une mesure très restreinte. M. V. Thomsen lui-même s’est essayé sur ces textes, et, si intéressants que soient les résultats obtenus par son ingéniosité, par la pénétration de son esprit et la sûreté de son jugement, ils sont bien minces, quand on les compare à ce que le même auteur a obtenu en matière de turc.

Ces grands travaux ne sont pas les seuls qu’ait publiés l’illustre maître de Copenhague ; ce sont ceux qui ont fait sa gloire. Les mémoires qu’il a donnés sur diverses questions ne montrent pas moins la puissance de son esprit à la fois fin et hardi. Il n’en est aucun qui n’ait une portée. Ainsi l’article où il a proposé pour le verbe français aller la seule explication plausible qui ait été avancée repose sur l’hypothèse que, dans certaines circonstances spéciales, un mot peut avoir une prononciation spéciale et peut dès lors évoluer d’une manière non normale ; et ce principe s’est montré fécond. Toute la linguistique actuelle porte ainsi la marque des idées de M. V. Thomsen.

Et cette grande figure scientifique n’est pas isolée à Copenhague. Pour ne rien dire du scandinaviste Wimmer, de l’illustre romaniste M. Nyrop, l’un des hommes qui connaissent