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Samedi, 11 septembre.

Nous allons au préau ; il fait un temps superbe, le ciel est tout bleu et sans nuages ; un beau soleil réchauffe l’air un peu froid du malin, une petite brise me fouette légèrement le visage et me procure une sensation bien agréable. Pour me dégourdir, j’ai couru sans m’arrêter pendant une demi-heure. En revenant du préau, j’étais essouflé et une main mystérieuse était venue mettre du rouge sur mes joues. Cet exercice m’a fatigué et a dérouillé mes muscles.

À peine rentré dans ma cellule, je reçois une carte postale d’Yvonne. Je dois avouer bien sincèrement que j’ai été ému en prenant connaissance de son texte. Cette carte contenait une jolie réflexion et constituait pour moi un précieux encouragement. Ces quelques lignes étaient tout simplement admirables… : Merci, Yvonne…

… On me communique ce qui suit : jeudi dernier, en sortant du préau, Mme  Bodart, après avoir réintégré sa cellule, est tombée dans une crise de fureur, s’est mise à crier, à frapper sur sa porte et est devenue folle ; elle a été transportée dans un asile d’aliénés…

Dimanche, 12 septembre.

Oh ! le magnifique soleil ! Il dore d’un éclat tout particulier ce beau jour. Là-bas, les cloches sonnent à toute volée et leur tintement joyeux s’étend sur la ville et les campagnes. Les moineaux, sur le seuil de ma fenêtre, s’égosillent, sautent, dansent, je crois même qu’ils rient… Je fredonne une de mes jolies complaintes d’autrefois. Tout ce qui m’environne parait me sourire et m’égayer. Oui, c’est aujourd’hui le grand jour… c’est la grande fête… Cet après-midi, je vais voir ma femme et mes enfants… je suis impatient, je voudrais qu’il fut déjà quatre heures… l’heure a laquelle arrivera toute ma petite famille.

… Vers onze heures du matin, on m’appelle à l’instruction. Nom d’une pipe, je ne suis pas encore au bout de mon rouleau. M. le lieutenant Bergan m’apprend qu’il doit me faire une communication personnelle ; il s’agit de l’expertise judiciaire dont m’a chargé M. le juge Prénerbu. Pendant que nous causions, M. Henry entre et recommence à m’interroger. Il y a en prison un homme qui, le 25 juin, s’est rendu 498, chaussée de Louvain,