Page:Revue des Romans (1839).djvu/168

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style, qui, dans ce roman en lettres, doit son charme à son extrême variété.

MATHILDE, ou Mémoires tirés de l’Histoire des Croisades, 6 vol. in-12, 1805. — Cet ouvrage mit le comble à la célébrité de Mme Cottin, et l’on put dès lors regarder l’auteur de Mathilde et de Malvina comme le premier de nos romanciers dans le genre qu’elle avait adopté. L’action se passe à la fin du XIIe siècle, durant la croisade de Philippe-Auguste et de Richard Cœur de Lion. Quelques formes lourdes et guindées en déparent le commencement ; mais bientôt l’auteur s’échauffe avec son sujet, la diction devient naturelle, alors l’intérêt commence, et quelquefois il acquiert une haute énergie. Philippe ne paraît qu’un moment ; Richard n’occupe guère plus d’espace ; Lusignan, roi de Jérusalem, est fort maltraité ; Montmorency, terrible dans les combats, timide auprès des dames, rival généreux, a toutes les qualités de l’antique chevalerie ; la tendre et soumise Bérengère est le modèle des épouses chrétiennes ; Saladin, sans être méconnaissable, est inférieur à sa renommée. Malek-Adhel est le personnage d’élite : bon, généreux, tendre, passionné, vaillant, invincible, régnant par l’amour sur les sujets de son frère, forçant les guerriers dont il est la terreur à l’admirer, et les ministres d’un dieu dont il est le plus redoutable ennemi à chérir ses vertus, il unit au plus haut degré toutes les qualités aimables et toutes les vertus chevaleresques. Mathilde, sœur de Richard, chez qui l’amour le plus vif peut s’allier à toute la piété d’une sainte, à toute la pureté d’une vierge, est digne du héros musulman. Son amour pour Malek-Adhel est gradué, motivé avec art ; on est fortement ému, soit lorsque, seule avec lui au milieu de l’ouragan du désert, elle attend la mort qui la menace, soit lorsque, affrontant sans crainte les sables brûlants de l’Afrique, elle relève par son exemple le courage des vieux guerriers chrétiens qui l’accompagnent, soit lorsque, arrivée au terme de son pèlerinage, elle est sauvée par Malek-Adhel au moment où elle allait devenir la proie des farouches Bédouins, soit lorsqu’elle accourt sur un champ de bataille, devenu l’autel, le lit nuptial et le tombeau de son amant, qui expire en invoquant le dieu de Mathilde. La liaison des faits se trouve on ne peut plus heureusement combinée dans ce roman ; les situations y sont toutes bien amenées et décrites avec le plus grand intérêt.

ÉLISABETH, ou les Exilés en Sibérie, suivi de la prise de Jéricho, 2 vol. in-12, 1806. — Dans ses précédents ouvrages, les pinceaux de Mme Cottin ne s’étaient pas encore exercés à peindre l’amour filial et les tendre sollicitudes de l’amour maternel ; son cœur n’eût point été satisfait si elle eût laissé incomplète cette riche collection de tableaux touchants : elle fit Élisabeth, et dans ce