Page:Revue des Romans (1839).djvu/224

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de la réputation de femme d’esprit, objet de l’amour et de l’envie des femmes, et tournant sans cesse dans un cercle de bruyants plaisirs. Belinde, quoique jeune et sans expérience, sut conserver dans le tourbillon du monde les qualités aimables qu’elle reçut de la nature. Elle est bientôt remarquée par lord Harvey, un des hommes les plus aimables de Londres, et elle n’est pas insensible à ses soins, mais c’est tout ce que l’auteur nous apprend à ce sujet ; on voit que dans le conte il a sacrifié l’amour pour tracer le portrait principal, celui de lady Delacour. Un jour, Belinde, revenant d’un bal où lady Delacour avait développé tout le brillant de son esprit, la félicitait sur son étonnante gaieté. Étonnante, en effet, dit lady Delacour, au moment de mourir ; l’étonnement de Belinde fut extrême. Alors milady la conduit dans son boudoir ; elle essuie son rouge par un mouvement brusque et violent, puis, se tournant du côté de Belinde, elle lui fait remarquer ses traits livides, ses yeux enfoncés, ses joues creuses. « Vous êtes étonnée, lui dit-elle, eh bien ! voyez : » en achevant ces mots, elle découvre son sein dévoré d’une large plaie. « Ah ! plaignez-moi ; mon âme est tourmentée de maux incurables, comme mon corps. » Lady Delacour lui raconte alors toutes les circonstances de sa vie ; cette femme si belle, si aimable, qui paraissait si heureuse, était martyre de l’ambition de plaire ; esclave des faux plaisirs, elle avait tout sacrifié pour la réputation de femme à la mode.


LA MÈRE INTRIGANTE, 2 vol. in-12, 1811. – Madame de Beaumont, dans les plus simples affaires de famille, ne va jamais à ses fins par les chemins les plus droits et les plus courts ; elle ne s’avance que par des souterrains et par des détours ; sa marche est toujours cachée, oblique et tortueuse ; elle est mystérieuse en tout et ne met de franchise dans rien ; elle attache de l’importance à ses moindres gestes, à ses moindres mouvements ; enfin, Mme de Beaumont est une femme qui n’a jamais cherché, dans aucun de ses mouvements, que l’effet qu’ils devaient produire sur les autres, et qui, dans les effets qu’elle a cherché à produire, a toujours envisagé un but plus ou moins éloigné, et toujours arrêté. Le but de toute sa profonde politique est le mariage de son fils et de sa fille : ces deux jeunes gens sont aussi ingénus que leur mère est artificieuse. Elle veut les marier à son gré, contre leurs penchants, et finit par n’y point réussir ; toutes ses finesses, toute sa dextérité, échouent contre la simplicité, la droiture et la franchise des autres personnages, qui ne sont que de bonnes gens, et qui ne se piquent pas du tout de finesse. L’auteur s’est plu particulièrement à développer le caractère du vieux et riche négociant Palmer, et à l’opposer à la fausseté et à la duplicité de Mme de Beaumont ; mais tout l’intérêt se réunit sur la personne du capitaine Valsimgham,