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posé d’événements vulgaires ; les aventures désastreuses ne manquent pas cependant dans la dernière partie ; mais, entouré d’hommes et de secours, quelle catastrophe Robinson peut-il essuyer qui approche, pour l’intérêt, de cette situation si simple et si terrible, où, après avoir passé quinze années dans son île, sans découvrir le moindre vestige d’homme, il aperçoit tout à coup sur le sable, au bord de la mer, l’empreinte de deux pieds nus !

On ne connaît guère en Europe, et même en Angleterre, des nombreux romans publiés par de Foé, que Robinson ; cependant, l’Histoire de Moll Flanders, les Mémoires du capitaine Carleton, la Vie de Roxane, l’Histoire d’un cavalier, le Colonel Jacques, et le Colonel Singleton, sont des ouvrages qui, pour la puissance dramatique, l’intense réalité des tableaux et la vigueur de l’intérêt, égalent au moins Robinson. C’est la courtisane, c’est le pirate, c’est l’escroc de Londres, c’est le gentilhomme royaliste, c’est l’aventurier de 1710, tous dépeints avec autant de fidélité, de vérité, de conscience que Robinson et Vendredi. Il y a dans la Vie du colonel Jacques des traits sublimes : l’analyse métaphysique du progrès fait par le colonel dans les voies du vol et du crime est d’autant plus admirable que tout y est simple, que l’on comprend admirablement cette pente qui l’entraîne, qu’on s’y associe malgré soi.

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FONTAINES
(Mar.-Louise, Ch. de Givry, comtesse de), morte en 1730.


HISTOIRE DE LA COMTESSE DE SAVOIE, in-12, 1726. — Ce roman aurait de la peine à réussir aujourd’hui. Nulle prétention dans le style, nulle invraisemblance dans les faits, nulle métaphysique dans les sentiments. L’intérêt est dans l’action principale et dans les caractères des personnages. Le nœud de l’intrigue, le principe d’une passion qui doit mettre en scène les deux principaux acteurs, le jeune et vaillant Meudon et la jeune comtesse de Savoie, est un portrait du prince espagnol qui se trouve d’une manière toute naturelle entre les mains de la comtesse. Meudon l’ignore, et cette erreur, qui le rend un moment jaloux de lui-même, produit un éclaircissement heureux en épargnant à la beauté modeste l’embarras d’un aveu trop direct. La comtesse, enchaînée par les lois de l’hymen, n’en est que moins indulgente pour ses propres penchants et plus attachée à ses rigoureux devoirs. Meudon cherche une noble distraction à son amour dans les périls de la gloire. Il passe en Sicile avec les braves Normands qui en ont médité la conquête. Bientôt, il est instruit que des bruits injurieux flétrissent la vertu de sa noble dame. Une odieuse conspiration s’est éle-