Page:Revue des Romans (1839).djvu/453

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che quelque chose qui ressemble à de la reconnaissance en retrouvant debout, toujours ferme, toujours hardie, toujours armée d’élégance et de bon goût, sa verve démocratique que vingt ans de luttes n’ont pas lassée. Aymar est quelque chose de plus qu’un roman par le but que s’est proposé l’auteur ; en racontant les douleurs d’une âme qui meurt parce que la patrie lui manque, M. de Latouche a fait l’histoire toute contemporaine de bien des cœurs généreux. L’intrigue romanesque est faible, les événements sont prévus, les caractères sont pâles : avec tout cela, il est impossible de fermer le roman sans l’avoir achevé ; c’est un de ces livres où des situations fortes et inattendues naissent des incidents les plus singuliers ; un livre où l’on aime à reconnaître la plume qui a tracé les lettres de Clément XIV, Flagoletta, Grangeneuve ; il y a des portraits tracés de main de maître, des mots caractéristiques qui resteront, de la verve de sarcasme à côté d’une douce et rêveuse poésie ; de la mélancolie et de l’épigramme, du dévouement en face de l’égoïsme : Christiane, Aymar et M. Chalamel, sont trois créations faites en vue de trois aspects de notre société, et qui la montrent telle qu’elle est. — Le roman commence aux Journées de Juillet. Glorieusement blessé, Aymar sauve la vie du comte de Claremond, dont une troupe furibonde veut piller l’hôtel. Auprès du vieux et loyal carliste était la jeune Christiane, sa petite-fille, qu’Aymar avait quelquefois aperçue dans le monde. Épuisé par les efforts qu’il a faits pour protéger le comte de Claremond, Aymar s’évanouit ; Christiane se dévoue pour le soigner, et lorsqu’il fut en convalescence, le cœur de la jeune royaliste sympathisait au battement de celui du jeune républicain. À peine Aymar est-il rétabli que Christiane est obligée de quitter la France avec son aïeul, qui la conduit en Russie, près d’un de ses parents. Privé de la vue de son amie, trompé dans son espoir de voir s’établir en France le gouvernement républicain par l’intronisation d’une nouvelle dynastie royale, Aymar était sur le point de se livrer au désespoir, lorsqu’éclate la révolution de Pologne ; il prend part à cette lutte héroïque, et rencontre, dans un bivouac d’insurgés polonais, sous la tente de la noble et courageuse Émilia Plater, la belle Christiane de Claremond. On se rappelle que son aïeul l’avait conduite en Russie ; à peine fut-elle arrivée, que le comte de Claremond, pressé de se rendre à Prague, auprès du roi déchu, se hâte de conclure le mariage de sa petite-fille avec le castellan polonais Muranoff, homme dissolu, esclave d’une aventurière qui se faisait nommer lady Buceleugh. Muranoff avait contracté ce mariage dans l’espoir de posséder les grands biens des Claremond, qui lui étaient dévolus dans le cas où Christiane le rendrait père d’un fils. À son arrivée en Pologne,